L'assurance de garantie d'actif et de passif (assurance GAP) dans les cessions-acquisitions ou les souscriptions

Les garanties d’actif et de passif sont incontournables dans les cessions-acquisitions ou, moins fréquemment, les souscriptions de parts ou actions de société. Elles peuvent aussi être un point de crispation voire un point de rupture des négociations.

Une solution qu’offre le marché des assurances est l’assurance de garantie d’actif et de passif (assurance GAP) ou assurance dite “transactionnelle”.

Le principe

L’assurance GAP consiste pour un acquéreur (ou toute autre partie) à souscrire auprès d’une compagnie d’assurances un contrat d’assurances dont l’objet est de l’indemniser en cas de mise en jeu de la GAP du vendeur (ou de l’émetteur) moyennant le paiement d’une prime.

A noter : nous partons de l’hypothèse que l’assurance GAP sera souscrite par l’acquéreur pour la suite de cette présentation (cas le plus fréquent). En effet, lorsque l’assurance est souscrite par un vendeur, le processus est plus complexe : le vendeur indemnise l’acquéreur puis se retourne contre l’assureur. L’assurance peut également être souscrite par les associés dans le cadre d’une émission.

A noter : si la prime est généralement payée par l’acquéreur, les parties peuvent négocier une prise en charge commune (soit à 50/50 soit selon une répartition différente).

L’avantage pour le vendeur est la suppression de sa responsabilité contractuelle (pour la partie couverte par l’assurance). C’est le clean exit.

L’avantage pour l’acquéreur peut-être multiple : meilleure couverture des risques, suppression d’un risque de contrepartie (garantie de la garantie), offre plus compétitive (en libérant le vendeur de sa responsabilité contractuelle), stratégie visant à ne pas entrer ultérieurement en contentieux avec les dirigeants vendeurs lorsque ceux-ci accompagnent la phase transitoire de reprise par l’acquéreur.

L’assurance GAP peut également avoir pour effet comptablement de réduire ou supprimer une provision du bilan améliorant celui-ci.

Les conditions préalables

Le vendeur peut avoir organisé un audit (vendor due diligence ou VDD) et l’acquéreur un audit plus sommaire.

A noter : certains audits (comme les audits financiers) peuvent parfois être réalisés en interne (in-house).

Un audit sur les risques spécifiques en matière de données personnelles (RGPD) est généralement requis par l’assureur ainsi que, en fonction de l’activité de la société, un audit sur les risques spécifiques en matière de système d’information (IT) et de protection des données sensibles de la société cible. A défaut, le contrat d’assurance prévoira une exclusion de couverture de ces risques.  La qualité des audits (comme notamment ceux  en matière de congés payés et de temps de travail) sera analysée par l’assureur.

Les opérations préalables

L’accord de confidentialité

Après la signature d’un accord de confidentialité, l’assureur et très généralement le courtier (voir ci-dessous) revoit le projet de contrat de cession-acquisition (ou de souscription) et l’éventuelle note d’information (information memorandum).

La lettre d’engagement

L’acquéreur, futur souscripteur, devra conclure une lettre d’engagement avec l’assureur et, généralement, un courtier (voir ci-dessous) contenant des engagements de payer les frais de souscription ou breakup fees. Elle permettra à l’assureur de saisir ses propres conseils juridiques pour analyser l’opération.

Les audits

Le vendeur met alors en place une data room (ou permet son accès). Dans le cadre de ses opérations, l’assureur et, le cas échéant, le courtier analysent les rapports d’audit et les contrats d’assurance souscrits par la société cible notamment en matière de responsabilité civile professionnelle (l’assurance GAP sera alors généralement en seconde ligne par rapport à ces contrats si elle couvre ce type de risque). A l’instar des audits vendeur ou acquéreur, un échange de questions intervient avec l’assureur (procédure Q&A).

Les questions

L’assureur ou le souscripteur prépare des questions nécessaires à la souscription du contrat (underwriting questions) auquel répond l’équipe de l’acquéreur qui nécessite parfois une conférence téléphonique (underwriting call).

La négociation du contrat d’assurances

Les parties négocient alors le contrat d’assurance au vu notamment du contrat de cession-acquisition (ou de souscription). L’intervention d’un courtier est fortement recommandé du fait notamment de leur connaissance de ce type de contrat (voir ci-dessous).  

Le contrat

Les assurances GAP comprennent des exclusions générales ou spécifiques à la transaction.

Les exclusions générales sont notamment celles relatives à la connaissance du risque par l’acquéreur (absence d’aléa), les déclarations sur les événements futurs, les ajustements de prix, certains risques fiscaux ou sociaux difficilement détectables pendant les audits, les risques environnementaux (pollution, amiante) en l’absence d’audit environnemental dit de “phase 1”, les faits de corruption, les amendes ou dommages et intérêts punitifs, les sanctions dites “internationales”.

Outre les exclusions générales, l'assureur peut juger nécessaire d'ajouter des exclusions spécifiques dans la police si, lors du processus de souscription, l’acquéreur n’est pas capable de fournir le confort nécessaire par rapport à certains aspects de la société cible.

La mise en place

Il faut compter une à deux semaines pour la mise en place du contrat d’assurances depuis les premiers contacts avec l’assureur ou le courtier.

Les coûts

L’acquéreur s’engage envers l’assureur à payer des frais de souscription (correspondant aux frais des conseils juridiques de l’assureur pour mener à bien le processus de souscription). Ces frais sont généralement payés à la signature du contrat avec l’assureur et sont dus même si l’assurance GAP n’est finalement pas mise en place.

La prime est estimée sur la base du plafond de la GAP par rapport à la valeur d’entreprise, de la durée des garanties et surtout de son plafond. Une franchise est généralement prévue (montant du risque restant à la charge de l’acquéreur) sauf augmentation de la prime si l’assureur l’accepte. La prime est payée en une seule fois au moment du closing ou dans les 30 jours du closing.

A noter : la prime est généralement égale à 1,00 %/1,50 % du montant du plafond de l’assurance. Cela dépend du secteur et de la taille de l’opération. Pour une cible commerciale (par opposition  à une cible immobilière ou d’infrastructure), la prime est plus proche de 1,50 %.

A noter : la franchise est généralement de 0,50 % de la valeur d’entreprise.

A noter : sont généralement exclus de la prime la taxe sur les primes d’assurance (TPA) qui est de 9,00 % en France ainsi que les frais juridiques de l’assureur.

L’intervention d’un courtier

Il est recommandé de faire appel à un courtier qui avisera sur l’intérêt ou non d’entrer dans un processus de souscription d’un contrat d’assurance GAP.

Le courtier permet également à un stade précoce, au vu de la valeur d’entreprise et du plafond de la GAP, d’estimer le montant de la prime et des frais de souscription. Il peut également identifier des premiers risques d’exclusions de garantie par les assureurs au vu des audits ou de leurs lacunes sur certains aspects (scoping). Il permet également de conseiller l’introduction de stipulations dans le contrat de cession-acquisition au vu de sa connaissance des usages des assureurs sur le marché de l’assurance GAP.

Le courtier sélectionnera alors les compagnies d’assurances pour trouver les meilleures garanties au vu du montant de la prime estimée. Le courtier remet un rapport aux parties (le Non-Binding Indication Report).

Le courtier accompagne également le souscripteur dans le processus des underwritting questions pour fournir des réponses visant à offrir un confort pour l’assureur. Il négocie également le contrat d’assurance GAP, y compris les conditions générales.

Généralement le courtier perçoit une commission (payée in fine par l’assureur) sauf si l’assurance GAP n’est pas mise en place auquel cas il facture un montant d’honoraires convenu à l’avance dans le cadre de la lettre d’engagement qu’il a fait préalablement signé (voir ci-dessus).

A noter : la prime du contrat d’assurance inclut généralement le coût de la commission du courtier (aux alentours de 15,00-20,00 % du montant de la prime).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris