Société civile (SCI et autres) : les dettes dues par l'associé (C. civ., art. 1857)

Question : Quelles sont les dettes auxquelles un associé d'une société civile de droit commun est tenu (hors procédure collective) ?

Réponse : l'associé est tenu aux dettes de la société qui étaient exigibles à la date à laquelle il en était juridiquement, vis-à-vis du créancier, associé et à proportion de sa quote-part dans le capital à cette même date.

Explication : on sait qu'aux termes de l'article 1857 du code civil, les associés des sociétés civiles "A l'égard des tiers, [...] répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité [...]". C'est l'obligation aux dettes sociales (à ne pas confondre avec la contribution aux pertes, visée par l'article 1844-1 du code civil, qui ne s'appliquent qu'entre associés eux-mêmes).

Il convient donc de réunir quatre conditions : un tiers à la société et non associé qui détient une dette, une dette due par la société (dette sociale), une dette due par la société qui est exigible et la quote-part de l'associé dans le capital à la date d'exigibilité.

1° Un tiers

Les associés ne peuvent agir sur le fondement de l'article 1857 contre un autre associé (Cour de cassation, 3 mai 2012, n° 11-14.844). Les associés ne sont tenus qu'à l'égard des tiers et non entre eux.

A noter : le solde débiteur du compte courant d’un associé résultant de l'affectation des pertes de la société ne constitue une créance exigible qu’à la liquidation de la société sauf clause contraire des statuts (Cour de cassation, 15 février 2023, n° 20-22.018).

2° Une dette sociale

Il doit s'agir d'une dette due par la société à un tiers non associé (Cour de cassation, 4 mars 2021, n° 19-11.255 : "En statuant ainsi, sans constater que la société E. était un tiers à l’égard de la SCI et qu’elle était créancière d’une dette sociale au jour de l’assignation en paiement de M. T., la cour d’appel a violé le texte susvisé").

3° Une dette sociale exigible

Qu'entend-on par "exigible" ? Une dette exigible est une dette "dont le créancier est en droit de réclamer l'exécution immédiate, sans être tenu de respecter un terme" (Vocabulaire Cornu). ll s'agit donc d'une dette qui peut être exigée c'est-à-dire une dette échue.

Il convient donc de distinguer une dette exigible d'une dette contractée mais non encore exigible.

A noter : il a été jugé qu'une dette contractuelle devient exigible à la date de la mise en demeure (cour d'appel de Bordeaux, chambre 1, 23 mai 1990, JurisData 1990-043860).

4° La qualité d'associé à la date d'exigibilité

Seuls les associés à la date à laquelle les paiements sont exigibles peuvent être recherchés par les créanciers (Cour de cassation, 26 novembre 1991, n° 88-20.094 ; Cour de cassation, 18 octobre 2011, n° 10-21.975).

A noter : si une dette devient exigible et qu'un associé cède ensuite ses parts sociales, seul le cédant (vendeur) est tenu de la dette et non le cessionnaire (acheteur) (voir notamment a contrario Cour de cassation, 10 juillet 2012, n° 11-21.640 ; cour d'appel de Paris, pôle 1, chambre 2, 18 mars 2021, n° 20/13875: "L'associé qui quitte la société reste tenu des dettes sociales qui existaient au jour de son départ et qui étaient devenues exigibles alors qu'il était associé, le nouvel associé ne devant répondre que des dettes dont l'exigibilité est apparue après la publication de la cession, sauf à prouver la fraude.").

Est associé à l'égard des tiers, les personnes mentionnées dans les statuts publiés au registre du commerce et des société (Cour de cassation, 18 décembre 2007, n° 06-20.111) ou les personnes mentionnées dans les actes de cession de parts sociales déposées au registre du commerce et des sociétés ou les personnes qui n'ont plus la qualité d'associé suite à la publication d'un retrait ou de la réduction de capital (cour d'appel d'Orléans, 18 mai 2000, JurisData n° 2000-043860), sauf si, selon nous, le tiers avait personnellement connaissance à la date de sa demande de l'absence de la qualité d'associé (voir denier alinéa de l'article L. 123-9 du code de commerce).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris