Quelles sont les conséquences de la radiation d'une société du registre du commerce et des sociétés ?

Question d’un client : la date de radiation sur l’extrait K-bis d’une société est-elle la date de disparition de la personne morale ?

Réponse : la radiation d’une société du registre du commerce et des sociétés est une opération “technique” qui n’entraîne pas, en soi, la disparition de la personne morale. Elle peut être la conséquence de cette disparition mais n’en est pas la cause.

Explications : on sait que les sociétés commerciales “naissent” c’est-à-dire “jouissent de la personnalité morale” à compter de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés (L. 210-6 du code de commerce).

A noter :seule l’immatriculation compte, l’attribution du numéro unique d’identification (Siren) n’étant pas une condition de la création de la personnalité morale (Cour de cassation, 29 novembre 2023, n° 22-16.463)

Par analogie, on pourrait penser que la société “disparait” et perd sa personnalité morale à compter de sa radiation du même registre. Or, ce n’est pas le cas.

A titre d’exemple, lorsqu’une société déclare une “cessation d’activité” (voir notre article sur cette question) ou qu’elle est faite d’office (R. 123-125), le greffier peut procéder à sa radiation (R. 123-130 et R. 123-136). La société peut alors demander au greffier ou au juge commis à la surveillance du registre du commerce et des sociétés de rapporter la radiation (R. 123-138). C’est bien la démonstration que la radiation n’entraîne pas disparition de la personne morale.

Cette interprétation a été confirmée par un arrêt de la Cour de cassation en ces termes : “La radiation d'office d'une société du registre du commerce et des sociétés […] n'a pas pour effet la perte de sa personnalité morale” (Cour de cassation, 20 février 2001, n° 98-16842; récemment d’une manière générale sans les termes “d’office” Cour de cassation, 24 juin 2020, n° 18-14.248 : “la radiation d'une société du registre du commerce et des sociétés n'a pas pour effet de lui faire perdre sa personnalité morale”).

Ce sont donc les opérations qui sont réalisées qui lui font perdre sa personnalité à la date prévue par la loi comme celle prévue pour les liquidations amiables (1844-8 : “La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.”), les fusions ou scissions (L. 236-3 : “sociétés qui disparaissent […] à la date de réalisation définitive de l'opération”) où les dissolutions sans liquidation dites TUP (1844-5 : “il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées”).

Pour les dissolutions et liquidations amiables des sociétés commerciales, la disparition de la personne morale intervient dès lors que l’intégralité des droits et obligations a été liquidée (L. 237-2 et notamment Cour de cassation, 20 septembre 2023, n° 21-14-252 et 22-21.718).

Donc, la date de radiation figurant sur l’extrait K-bis n’est pas la date de disparition de la personne morale, la date de la disparition est celle expressément prévue par la loi pour l’opération concernée (cette date peut donc être antérieure ou postérieure à celle indiquée sur l’extrait K-bis de radiation).

A noter : attention !, vis-à-vis des tiers, en application de l’article L. 123-9 du code de commerce, tant que la formalité n’a pas été faite au registre du commerce et des sociétés dès lors que la loi l’impose, l’opération ne peut lui être opposée (Cour de cassation, 24 mai 2011, n° 10-19.222 ; Cour de cassation, 18 décembre 2007, n° 06-18.936).

A noter : de même la date d’effet antérieure de radiation indiquée sur l’extrait K-bis de radiation n’a pas de conséquence sur l’application du délai d’un an de l’article L. 631-5, 1° du code de commerce (pour assigner en redressement judiciaire après radiation de la société suite à sa liquidation amiable) qui commence à courir à compter de la radiation au registre du commerce et des sociétés (Cour de cassation, 18 janvier 2023, n° 21-21.748).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris