Les opérations à viser dans les clauses d'agrément, de préemption ou de sortie conjointe ou totale

Question : quelles opérations juridiques visées pour les clauses qui ont pour objet de déclencher un droit ou une obligation en cas de projet d’opération sur des droits sociaux (parts sociales, actions, valeurs mobilières donnant accès au capital, obligations, etc.) ?

Réponse : la multitude d’opérations qui peuvent affecter les droits sociaux recommande parfois d’adopter une rédaction très large allant au-delà du simple transfert de ces droits en visant par exemple des opérations telles que le paiement, le partage, le démembrement, l’indivision, la location, le prêt, les contrats financiers. Une autre approche (qui est la notre) consiste à ne pas viser les modalités de l’opération mais ses effets.

Explications : lorsqu’un transfert de droits sociaux doit déclencher un droit ou une obligation, le législateur ne vise généralement qu’une opération : la vente (droit corporel) ou la cession (droit incorporel) : droit d’agrément dans les sociétés civiles (article 1861 du code civil), droit d’agrément dans les sociétés commerciales (article L. 228-23 du code de commerce), droit des salariés de présenter une offre en cas de cession du contrôle de l’entreprise (article L. 23-10-1 du code de commerce). Les praticiens visent généralement cette opération dans les contrats notamment s’agissant des clauses d’agrément, de droit de préemption, de droit de sortie conjointe (tag-along) ou totale (full tag-along) ou d’obligation de sortie totale (drag-along).

Toutefois, certaines opérations peuvent avoir des effets similaires à terme. C’est la raison pour laquelle, le législateur étend parfois les droits à d’autres opérations que la cession telles que le nantissement : par exemple, agrément du nantissement des parts sociales d’une société à responsabilité limitée (article L. 223-15 du code de commerce) ou du nantissement d’actions (L. 228-26 du code de commerce).

Mais d’autres opérations peuvent avoir également les mêmes effets. C’est la raison pour laquelle les praticiens étendent alors la définition de cession. En effet, tout d’abord la “cession” ne concerne que les opérations entre vifs (et exclut donc les opérations “à cause de mort” telles que les dévolutions successorales ou les legs). Certains lui préfèrent donc la notion de “transmission” qui inclurait ces “droits successifs” ainsi que les opérations telles que les apports, les fusions, scissions, transmissions universelles du patrimoine. D’autres lui préfèrent la notion de “mutation” (étymologiquement “changement”, “altération”) ou d’“aliénation” (étymologiquement “qui appartient à un autre”) qui inclurait également une multitude d’opérations telles que les ventes “forcées” (pour reprendre les termes de l’article 1601-4 du code civil), les fiducies, les apports, les échanges.

Il existe des opérations dont on peut se demander si elles entraînent une cession, transmission ou mutation. Il en va ainsi d’une dation en paiement (voir par exemple l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 février 2008 qui considère qu’une dation en paiement n’emporte pas une “transmission de propriété “ mais constitue un “acte unilatéral” ainsi que la nature juridique du paiement qui ne serait plus un acte mais un fait juridique pour une chambre de la Cour de cassation étant toutefois précisé que la dation en paiement ne serait pas selon certains un mode particulier de paiement mais une opération sui generis), du partage qui n’a qu’un effet déclaratif et non translatif (ainsi en cas de liquidation amiable d’une société l’article 1844-9 du code civil renvoie aux règles de partage des successions c’est-à-dire l’article 883 du même code), du démembrement (constitution d’un droit nouveau selon certain et non une aliénation), de l’indivision, de la substitution (la Cour de cassation ayant considéré qu’il ne s’agissait pas d’une cession de créance).

Enfin il existe des opérations qui ne constituent pas un transfert du droit mais une jouissance (location, prêt, commodat, contrats financiers).

C’est pourquoi, certains praticiens, dont nous faisons partie, plutôt que de viser les modalités de l’opération, préfèrent ne viser que les effets c’est-à-dire un changement dans le titulaire d’un droit (droit de propriété, droit d’usage, droit financier, etc.), quelque soit la nature de ce changement (à titre onéreux ou gratuit, en pleine propriété ou par démembrement, par voie translative, déclarative ou de création, droit d’usage, etc.).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris