Bien rédiger une clause de substitution dans les actes de cessions d'actions ou de valeurs mobilières (acte de vente, promesse unilatérale ou synallagmatique, pacte d'associés)

Il est fréquent de prévoir pour une partie (substituant) une faculté de substitution d’un tiers (un affilié, une personne tierce) dit substitué dans l’acquisition d’actions ou autres valeurs mobilières pour certains actes (acte de vente sous condition suspensive, promesse unilatérale ou synallagmatique de vente, pacte d’associés). Elle permet en effet, pour celui qui s’est engagé à acquérir ou qui bénéficie d’une option d’achat, de ne pas supporter par exemple le coût financier de l’acquisition ou de faire entrer un nouvel associé en remplacement, tout en réalisant l’opération qui peut être nécessaire (par exemple, sortir un associé fautif).

Nous abordons ici la problématique juridique de la clause de substitution, les stipulations qui peuvent ou doivent être prévues et enfin nous proposons un modèle de clause.

Situation juridique

Pour les juristes, la nature juridique de la substitution n’est pas encore clairement tranchée surtout, semble-t-il depuis la réforme de l’ordonnance de 2016 sur les contrats et le droit des obligations.

La substitution n’est pas une cession de créance

Avant ou après la réforme de 2016, la substitution n’est pas considérée comme une cession de créance (Cour de cassation, 1er avril 1987, n° 86-15.838). La substitution n’est donc pas soumise aux formalités de l’article 1690 du code civil (Cour de cassation, 12 avril 2012, n° 11-14.279).

La substitution n’est ou n’était pas une cession de contrat ou cession de promesse de contrat

Avant la réforme, il était certain qu’il ne s’agissait pas d’une cession de contrat (Cour de Cassation, 17 avril 1984, n° 83-12.106) ou d’une cession de promesse de contrat (Cour de cassation, 19 mars 1997, n° 95-12.473) ce qui fiscalement entraînait deux avantages (l’absence d’une double mutation qui aurait donner lieu au paiement d’un double droit d’enregistrement et l’absence de nullité de l’acte pour défaut d’enregistrement pour certaines promesses unilatérales).

Depuis l’ordonnance de 2016 ?

Il semble que depuis l’ordonnance de 2016 (notamment au vu de l’article 1216 du code civil), le débat soit relancé sur la cession de contrat et qu’il faille attendre une jurisprudence de la Cour de cassation pour confirmer les analyses ci-dessus sous l’empire du “nouveau” régime des obligations.

A noter : certains mettent même en garde les professionnels et conseillent d’informer leur client sur une possible requalification en cession de contrat, au risque d’une action en responsabilité (Mustapha Mekki, Bulletin rapide de droits des affaires, 2018, n° 20). Quels seraient les risques ? Nous en identifions au moins cinq : 1° le fait que la substitution doit se faire, à peine de nullité, par écrit (1216, al. 3 du code civil) sauf peut-être à considérer la clause de substitution comme une promesse de cession, 2° le fait que le cédant (substituant) ne soit pas libéré envers le cédé (1216-1, al. 1 du code civil), 3° le fait que le cédant soit solidaire du cessionnaire (1216-1, al. 2 du code civil), 4° le risque de nullité de l’acte pour certaines promesses unilatérales portant sur certains titres de sociétés si l’acte n’est pas enregistré dans un certain délai (1589-2 du code civil), 5° l’éventuelle double mutation et donc le paiement d’un double droit d’enregistrement (au même titre que les résolutions de vente) si la substitution a lieu (un instant de raison ou non) après réalisation juridique de l’opération (par exemple, lors de la levée de conditions suspensives d’une vente).

Au vu des contentieux sur la clause de substitution et du débat depuis l’ordonnance de 2016, il est possible déjà de prévoir dans les actes certaines stipulations pour éviter toute contestation ou risque ultérieur.

En pratique

1° Lexclusion expresse de la cession de contrat ou l’option expresse ?

Pour éviter toute requalification en cession de contrat, certains préconisent d’ajouter à la clause la stipulation suivante : “Dans ce dernier cas, la substitution n'opérera pas cession du contrat de promesse” (Frédéric Buy, Marie Lamoureux, Jacques Mestre, Jean-Christophe Rosa, Les principales clauses des contrats d'affaires, 2018).

A noter : si la Cour de cassation censure les juridictions qui dénaturent les clauses claires et précises d’un contrat, il n’est pas certain que la clause qui exclurait le régime auquel la substitution serait finalement soumis soit efficace. Cela ne revient-il pas tout simplement à annihiler la clause puisque les parties ont entendu exclure son propre régime juridique ? Il faudrait, à notre sens, plutôt stipuler que “Les parties renoncent à toute autre règle légale applicable à l’opération de substitution qui ne serait pas d’ordre public ou contraire aux stipulations de la présente clause” (ce qui permettrait d’écarter certaines règles du régime de la cession des contrats si celui-ci s’appliquait).

Inversement, pour éviter toute ambiguïté, certains préconisent d’opter, par une stipulation expresse, pour le régime de la cession des contrats (en précisant “en tant que de besoin”, si finalement la substitution était bien considérée comme une cession de contrat), voire la cession de créance pour la cession du droit d’option.

2° L’effet différé de l’opération après la substitution

Pour éviter les questions liées à la qualification ou non de la substitution en cession de contrat, au même titre que les promesses de vente qui conditionnent parfois l’opération à la réitération (plutôt l’établissement) par acte authentique, il serait prudent de stipuler que l’opération (et non pas seulement le transfert de propriété dont on sait qu”il peut être différé par rapport à l’accord de volonté sur la vente) n’interviendra qu’à la date de réitération matérielle (qui nécessairement interviendra après la substitution) de la vente dans un certain délai à compter de la levée des conditions suspensives. Mais pour éviter de transformer l’acte réitératif en condition de la vente, il pourra être prévu qu’à défaut de réitération dans le délai stipulé, alors la vente sera parfaite.

A noter : pour rendre plus efficace la clause, l’intervention de la société à l’acte permettra de l’autoriser à enregistrer les écritures dans les comptes-titres d’associés ou d’actionnaires, à défaut d’acte réitératif, sur simple présentation de l’acte ou de la promesse et de l’exercice de l’option (s’il s’agit dune promesse) ou de la notification de substitution (si un formalisme est prévu, voir ci-dessous).

3° Le formalisme de la substitution

Il est possible de prévoir (voire obligatoire, voir note ci-dessous) un formalisme pour l’exécution de la substitution (par exemple lorsqu’elle intervient avant l’exercice de l’option) comme une notification (voire une signification) préalable adressée (ou délivrée) au cocontractant. Il conviendra de prévoir les conséquences du défaut de formalisme (à défaut, sauf acte non équivoque du cocontractant, la substitution sera inopposable : Cour de cassation, 30 novembre 2011, n° 10-16.843).

A noter : si la substitution est une cession de contrat alors il convient de se demande si en application de l’alinéa 3 de l’article 1216 du code civil, l’acte de substitution doit être expressément constatée par écrit. Un auteur préconise ainsi de “préciser au sein de l’acte, l’identité des parties, l’objet de la cession-substitution et sa date” (Mustapha Mekki, Bulletin rapide de droits des affaires, 2018, n° 20).

A noter : pour un exemple de clause “la faculté de substitution ne pourra être exercée que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au notaire en charge de l'opération avant la réalisation de toutes les conditions suspensives” (Sandie Lacroix-De Sousa, Revue des sociétés, 2021, p. 694).

4° La décharge du substituant

La substitution entraîne-t-elle la décharge/libération du substituant si le substitué n’exécute pas ses obligations ou tombe en “faillite” (pour un exemple, Cour de cassation, 27 mai 2021, n° 19-19.529) ? La clause peut (“doit” même, voir la note ci-après) traiter de cette question soit en prévoyant que le substituant n’est pas déchargé ou bien, inversement, en prévoyant une décharge soumise à formalisme (par exemple, écrit du cocontractant), voire en stipulant expressément que le substituant reste garant solidaire des obligations du substitué.

A noter : il n’est pas certain que la décharge du substituant soit de droit. En effet, dans l’arrêt précité de la Cour de cassation de 2021, cette décharge découlait d’actes non équivoques des cocontractants envers le substitué et le substituant. Quelle aurait été la situation du substituant si de tels actes de ses cocontractants n’étaient pas intervenus. Par ailleurs, si la substitution était requalifiée en cession de contrat, alors c’est la solution inverse qui serait retenue (le substituant ne serait pas libéré) puisque l’article 1216-1 du code civil exige une stipulation expresse pour décharger le cédant.

5° Les obligations du substitué

On se pose rarement la question du substitué lorsque celui-ci est expressément identifié dans l’acte. Est-il coobligé du substituant ? S’il n’est pas partie à l’acte, certainement pas, par l’effet relatif des conventions (par exemple, il est fait souvent référence à un affilié ou une filiale ou société du groupe du substituant). En revanche, si le substitué est partie à l’acte, il conviendra pour éviter toute discussion ou erreur d’interprétation (rappelons qu’en matière commerciale la solidarité (passive) se présume), de prévoir l’étendue des obligations du substitué (généralement, à défaut de substitution, le substitué devrait être déchargé de toute obligation au titre de l’acte).

Par ailleurs, si le substituant dispose de condition particulière (par exemple la condition d’obtention d’un crédit) et si le substitué veut bénéficier de la même condition, il convient de prévoir l’application de cette condition au substitué.

A noter : pour éviter ce genre de question, il vaut mieux prévoir dans la clause que le substitué reprendra la “qualité” du substituant (par exemple, si le substituant est qualifié de “bénéficiaire” dans l’acte, toutes les fois que le terme est utilisé il doit s’entendre, en cas de substitution, comme incluant la personne que le substituant s’est substituée). Vu l’effet de la clause, il convient de bien identifier si une telle reprise de qualité est opportune ou non pour le substitué (et prévoir les conséquences sur la solidarité du substituant par exemple si elle était prévue). A manier donc avec précaution.

6° L’agrément du substitué

Pour le cocontractant qui “subit” la substitution (il l’a tout de même accepté par la clause), il est parfois nécessaire de prévoir l’agrément du substitué lorsque l’identité du substitué n’est pas connue à l’avance. Si la procédure d’agrément est jugée trop complexe ou non souhaitée par les parties, il est alors possible de prévoir soit les conditions que devra remplir le substitué (par exemple, disposer des mêmes capacités financières que le substituant lui permettant d’exécuter les obligations qui sont ou étaient à sa charge aux termes de l’acte) soit de prévoir des exclusions (par exemple, un concurrent de la société ou du cocontractant, une personne ne respectant par les obligations en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment ou le financement du terrorisme, une personne domiciliée ou ayant des activités dans un pays ou territoire figurant sur la liste des états ou territoires non coopératifs), soit de prévoir des qualités particulières (par exemple, tiers adhérent aux Principes de l’investissement responsable des Nations unies, ou adhérent à des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dit ESG).

7° Les effets de la renonciation du substitué

Que se passe-t-’il si le substitué renonce finalement à la substitution ? En l’absence de stipulation expresse contraire, le substituant conserve le bénéfice du contrat (Cour de cassation, 27 avril 1988, n° 86-17.337).

A noter : cette jurisprudence serait-elle toujours valable en cas de requalification de l’opération en cession de contrat. Il est donc conseillé de prévoir dans l’acte une stipulation particulière concernant ce cas.

8° Les obligations du substituant envers le substitué

Pour éviter que le substituant soit “ducroire”, garant ou porte-fort pour le cocontractant, il est opportun de le préciser expressément.

9° Le sort des engagements particuliers du substituant

L’acte prévoit parfois certains engagements du substituant : engagement de financement (apports en compte courant), paiement d’une indemnité d’immobilisation, constitution de sûreté (dépôt de garantie, cautionnement, garantie autonome, etc.). Il convient de régler les conditions de reprise, de remboursement ou de substitution par le substitué vis-à-vis du cocontractant des engagements souscrits, consentis ou exécutés par le substituant.

10° Les clauses diverses

Si la clause de substitution était considérée comme une cession de contrat, un auteur propose plusieurs clauses additionnelles : la rétroactivité de la substitution (pour inclure les dettes et créances nées antérieurement à la substitution), le traitement de l’opposabilité des exceptions (exemple : nullité, exception d’inexécution, prescription, compensation, etc.) autres que les exceptions personnelles.

11° L’enregistrement

Dans l’attente d’une position claire sur la nature de la substitution après l’ordonnance de 2016, certains préconisent, lorsque la clause de substitution est stipulée dans une promesse unilatérale de titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du code général des impôts, d’enregistrer l’acte (à peine de nullité).

Proposition de clause

Nous proposons la clause suivante (pour une promesse, avec un promettant et un bénéficiaire, une option d’achat divisible, pendant une certaine période, et une indemnité d’immobilisation).

L’intégralité de la clause peut vous être communiquée sur demande à cette adresse.

“(Principe) Le Bénéficiaire peut se substituer, pendant la Période d’Exercice [intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis -intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis] dans la limite du nombre de Titres sous Option.

(Effets inter partes) L’exercice, selon les conditions stipulées dans [intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis -intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis] l’Option d’Achat ou la faculté de substitution, pour les Titres sous Option restant.

(Effets à l’égard du Promettant) Le ou les Tiers Substitués bénéficient [intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis -intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis] est libéré envers le Promettant de toute obligation à laquelle s’est substituée le Tiers Substitué.

(Effets entre le Bénéficiaire et le Tiers Substitué) Le Bénéficiaire n’est ni ducroire, ni [intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis -intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis] Option pour lequel il a exercé l’Option d’Achat, l’Indemnité d’Immobilisation.

(Renonciation) Les Parties renoncent [intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis - intentionnellement omis ] du présent article.”

 Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris