Confidentialité du compte de résultat dans les groupes de sociétés (L. 232-25)

Question d’un de nos clients : la confidentialité du compte de résultat pour les petites entreprises (L. 232-25, al. 2) peut-elle être demandée seulement par une société n’appartenant pas à un groupe tenu de consolider ses comptes ou dès lors qu’une société appartient à un groupe, que celui-ci soit tenu ou non de consolider ses comptes, elle ne peut demander la confidentialité de son compte de résultat ?

Réponse : en l’état de la question, toute société appartenant à un groupe et non pas seulement celle appartenant à un groupe de sociétés tenu de consolider ses comptes est tenue de publier son compte de résultat, la confidentialité étant exclue. Mais dans un avis étonnant, le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés estime que seules les petites entreprises contrôlant des sociétés ne peuvent pas demander la confidentialité de leur compte de résultat, celles faisant partie d’un groupe mais ne contrôlant pas des sociétés pourraient bénéficier de l’exemption.

Explications : l’article L. 232-25, alinéa 2 du code de commerce précise que “Les sociétés appartenant à un groupe, au sens de l'article L. 233-16, ne peuvent faire usage de [la] faculté [de demander que le compte de résultat ne soit pas rendu public]”. Le renvoi à l’article L. 233-16 du code de commerce est ambigu car il s’agit d’un texte situé dans une section 3 intitulée “Des comptes consolidés”. Faut-il y comprendre que les sociétés appartenant à un groupe de sociétés ne consolidant pas leurs comptes pourraient bénéficier de la faculté de ne pas rendre public leur compte de résultat ?

La réponse est à chercher dans les débats parlementaires de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 qui a introduit ces dispositions. En première lecture au Sénat, la commission spéciale avait souhaité amender le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale pour clarifier “la rédaction du dispositif - en visant notamment les sociétés qui établissent des comptes consolidés, pour rendre compte correctement de la notion de groupe, qui n'existe pas en droit” (voir le rapport sur l’article 58 quater et l’amendement de la commission). Cette précision sera finalement abandonnée dans les navettes, la commission mixte paritaire n’étant pas parvenue à un accord et l’Assemblée nationale ayant repris son texte d’origine. Le texte ayant été adopté, dans sa version initiale adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, via l’article 49, alinéa 3 de la Constitution (suspension des débats, adoption de plein droit avec engagement de la responsabilité du Gouvernement), il n’a pas fait l’objet par la suite de plus amples débats. En première lecture à l’Assemblée nationale, le texte a été introduit par un amendement de la commission spéciale (amendement n° 2722, rectifié par amendement n° 2640). Mais aucune réponse n’est véritablement donnée dans l’exposé des motifs des amendements. Il faut alors se référer à l’origine du texte qui est la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013. Mais l’article 31 de la directive indique simplement que “Les États membres peuvent exempter les petites entreprises de l'obligation de publier leurs comptes de résultat et leurs rapports de gestion.” sans prévoir le cas des groupes de sociétés.

Une question écrite a été posée en mars 2017 en ce sens par un député (question 103589), mais elle est restée sans réponse (fin de la XIVè législature le 20 juin 2017).

L’arrêté du 30 mai 2016 relatif à l’allégement des obligations de publicité des comptes annuels des petites entreprises ne donne pas plus de réponses.

Nous n’avons pas trouvé d’avis particulier du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés (CCRCS).

Mise à jour : le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés (CCRCS) a rendu un avis le 19 décembre 2019 (avis n° 2019-011) aux termes duquel “Une société répondant à la définition des petites entreprises ne pourra pas bénéficier de l’option de confidentialité de son compte de résultat lorsque la détention en capital dans d’autres sociétés (filiales ou participations) la conduit à exercer un contrôle sur ces sociétés au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, qui permet de considérer qu’elle fait partie d’un groupe au sens de cette disposition”. A noter que le comité n’envisage que le cas de la petite entreprise qui contrôle des sociétés et non celle où la petite entrepris est contrôlée par une société et fait donc également partie d’un groupe. Donc, pour le comité, l’exemption s’appliquerait même si la société fait partie d’un groupe mais ne contrôle pas de sociétés. La Compagnie nationale des commissaires aux comptes a le même avis (Etude juridique, septembre 2023, 2023-24).

Nous avons interrogé l’auteur de l’amendement n° 2722 précité (Mme Bernadette Laclais) laquelle a bien voulu nous préciser, sous réserve de l’interprétation souveraine des tribunaux et du pouvoir réglementaire que “la notion de groupe doit être considérée dans son ensemble, que celui-ci consolide ses comptes ou non”. Dans ces conditions, il convient, au vu notamment des sanctions pénales (faux et usage de faux visé à l’article 441-1 et suivants du code pénal dans la mesure où une déclaration doit être souscrite, dans ce sens pour les micro-entreprises, voir avis CCRCS 2016-015) de considérer qu’il s’agit de toute société appartenant à un groupe et non pas seulement celle appartenant à un groupe de sociétés tenu de consolider ses comptes.

A noter : un auteur estime que seules les sociétés établissant des comptes consolidés seraient concernées en se fondant sur la finalité des textes européens (articles 37 et 39 de la directive 2013/34) selon laquelle dès lors qu’il y a des comptes consolidés, les entités consolidées n’ont plus de raison de publier l’intégralité de leurs comptes (C. Barrillon, BRDA, 01/23).

La Compagnie nationale des commissaires aux comptes est également d’avis que cela concerne toutes les sociétés (CNCC, EJ, 2016-50, juin 2017, Bull. n° 188, décembre 2017).

A noter : le texte renvoyant à l’article L. 233-16 du code de commerce lequel ne vise que les “sociétés”, des sociétés qui seraient contrôlées par une ou plusieurs (via un pacte par exemple) personnes physiques ne serait donc pas considérées comme faisant partie d’un groupe.

L’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) rejoint également l’avis de la CNCC et considère que cela concerne toutes les sociétés appartenant à un groupe mais préconise une modification législative pour que cela ne concerne que les sociétés consolidant leurs comptes (Ansa, comité juridique 23-020, 5 avril 2023).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris