Comment rédiger une clause de retour à meilleure fortune ?

Question d’un client : comment rédiger une clause ou convention d’abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune ?

Réponse : la rédaction peut être différente selon qu’elle est rédigée en faveur du débiteur ou en faveur du créancier. Le document doit être contresigné par le débiteur pour acceptation et soumis ou communiqué, selon le cas, au commissaire aux comptes si le débiteur est une société qui en est dotée et qui est soumise à la procédure des conventions dites réglementées.

Nous proposons trois modèles de clause ainsi qu’un modèle d’acte.

MODELE DE CLAUSE

En faveur du débiteur (condition résolutoire, sans novation)

“Je soussigné(e) libère, à compter de ce jour [retrouver les 80 % restant du contenu de la clause sur InstruMentum]. La présente libération n’emporte pas novation.”

En faveur du débiteur (condition suspensive, avec novation)

“Je soussigné(e) consent, à compter de ce jour, [retrouver les 80 % restant du contenu de la clause sur InstruMentum]. Le présent engagement emporte novation.”

En faveur du créancier (uniquement pour les prêts, terme à date incertaine, sans novation)

“Je soussigné(e) accepte, à compter de ce jour, [retrouver les 80 % restant du contenu de la clause sur InstruMentum. Le présent engagement n’emporte pas novation.”

MODELE D’ACTE

Il est possible de conclure un acte d’abandon de créance avec clause de retour à meilleure fortune. Vous retrouverez ce modèle sur notre site InstruMentum. Le plan de l’acte est le suivant (pour un plan plus complet et un exemple de début de convention voir ici) :

Parties (identification)

Exposé (origine de la créance, raison de l’abandon)

Article 1 (Abandon de créance) : principe de l’abandon par le créancier (tout ou partie), interdiction du créancier

Article 2 (Retour à meilleure fortune) : définition du retour à meilleure fortune, constatation, effet, cession de la créance abandonnée et conditions de remboursement

Article 3 (Durée) : durée de la réalisation du retour à meilleure fortune et de la convention

Article 4 (Conditions résolutoires) : cas dans lesquels l’abandon est nul et non avenu (équivalent des clauses d’exigibilité anticipée dans les contrats de prêt)

Article 5 (Pénalités) : pénalités en cas de non-respect de certains engagements ou de non paiement à bonne date

Article 6 (Absence de novation)

Article 7 (Audit et vérifications)

Article 8 (Confidentialité)

Article 9 (Déclarations et garanties)

Article 10 (Notification)

Article 11 (Imprévision)

Article 12 (Divers)

Article 13 (Élection de loi et de juridiction) : pour l’élection de juridiction, uniquement pour les personnes commerçantes ou commerciales par la forme

Annexes (copie de l’acte fondant la créance, exemple de conditions de remboursement)

EXPLICATIONS

La clause de retour à meilleure fortune est la clause qui soumet le remboursement d’une dette à un événement qui est une certaine situation financière du débiteur.

1° Terme ou condition ?

La réponse dépend de la rédaction de la clause.

Il ressort de la jurisprudence que la clause de retour à meilleure fortune est un terme dont la date d’effet est incertaine. Il a en effet été jugé et décidé que le “retour à meilleure fortune” pouvait être considérée comme un “terme indéterminé” (cour d'appel de Besançon, 12 février 2002 et arrêt de rejet de la Cour de cassation, 12 octobre 2004, n° 02-13.230). Il a également été décidé que la clause de retour à meilleure fortune n’était pas une condition potestative et que le juge peut accorder des délais (Cour de cassation, 20 novembre 1990, n° 89-13.899). La clause de retour à meilleure fortune trouverait donc son fondement dans l’article 1901 du code civil aux termes duquel : “S'il a été seulement convenu que l'emprunteur payerait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens, le juge lui fixera un terme de paiement suivant les circonstances.” Certains veulent toutefois limiter cette interprétation au contrat de prêt (mais voir le nouvel article 1305-1 du code civil).

La Cour de cassation a admis en effet, de manière générale, la validité de la clause de retour à meilleure fortune sur le fondement de l’ancien article 1134 du code civil (Cour de cassation, 18 octobre 1961, n° 367). Elle pourrait donc également prendre la forme d’une obligation nouvelle sous condition suspensive de retour à meilleure fortune qui ne serait pas purement potestative (donc nulle en application de l’article 1304-2 du code civil) si elle ne dépend pas de la seule volonté du débiteur (voir arrêt précité de la Cour de cassation de 1990). Certains pensent même qu’il s’agit d’une condition résolutoire au sens de l’article 1304, alinéa 3 du code civil c’est-à-dire l’extinction d’une obligation de remboursement sous condition résolutoire de retour à meilleure fortune (N. Picod, La remise de dette en droit privée, thèse).

Rappel : le terme se différencie de la condition car le terme est un événement certain (dont la date peut être certaine ou incertaine) alors que la condition est nécessairement un événement incertain. C’est donc la réalisation qu’il convient de prendre en compte pour qualifier le terme ou la condition (et non sa date d’effet). La “meilleure fortune” ne pouvant constituer à la fois une condition ou un terme, le terme ne sera alors utilisé que pour les créances constituant un prêt (prêt, avance en compte courant, crédit-vendeur, etc.) puisqu’un tel événement est spécifiquement prévu par l’article 1901 du code civil. Pour les autres types de créance, il s’agit vraisemblablement d’une condition (le “retour à meilleure fortune” semble être un événement dont la réalisation est incertaine).

La clause a été consacrée et reconnue par le législateur (voir ancien article 41, alinéa 2 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 et actuel article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales concernant le remboursement des aides des régions).

Il convient donc de faire attention à la rédaction.

Conseil : selon que la clause est rédigée dans l’intérêt du débiteur ou du créancier, la rédaction ne sera donc pas la même.

Dans l’intérêt du débiteur nous préconisons de qualifier la clause de condition plutôt que de terme incertain car dans ce dernier cas, l’événement constituant le terme pourrait être considéré comme incertain, disqualifiant le terme et le créancier pourrait donc y mettre fin (voir Cour de cassation, 6 novembre 2007 , n° 07-10.620 ) et, en application de l’article 1901 du code civil, le juge pourrait alors fixer un terme. Par ailleurs, l’avantage de la condition est d’éteindre l’obligation primitive, donc la dette, ce qui a un intérêt lorsque l’on veut “nettoyer le bilan” d’une entreprise (alors que le terme ne ferait pas disparaitre la dette).

Inversement, dans l’intérêt du créancier, nous préconisons de qualifier la clause de terme pour les raisons inverses qui viennent d’être détaillées.

2° Définir le “retour à meilleure fortune”

Qu’entend-on par un “retour à meilleure fortune” ?

La rédaction la plus classique est la situation dans laquelle le “débiteur est en état de payer intégralement toute ses dettes“en principal, intérêts et accessoires” ou dans laquelle le remboursement ne met “pas en péril la structure financière de la société” (voir par exemple cour d’appel de Paris, 12 novembre 2015, n° 14/24960).

Un créancier peut avoir un intérêt à prévoir un événement plus précis lui permettant également d’avoir une sorte de priorité sur les autres créanciers des “affaires courantes”. On peut ainsi voir des clauses faisant référence à un “retour à une situation bénéficiaire” (en appliquant un pourcentage sur ce bénéfice : par exemple 10 %), ou à un “niveau de capitaux propres” positifs. Toutefois une situation bénéficiaire ou un niveau de capitaux propres positifs ne signifie pas nécessairement que l’entreprise puisse rembourser ses dettes au vu du montant total de celles-ci ou des capitaux propres négatifs ne signifient pas nécessairement que l’entreprise ne puisse pas rembourser ses dettes (par exemple lorsque la dégradation des capitaux propres provient de provisions pour dépréciation d’actifs et non des résultats déficitaires de l’exploitation). On pourra alors se référer aux “disponibilités” en caisse et au passif “exigible” (au sens de l’article L. 631-1 du code de commerce).

Là encore, la rédaction dépendra de l’équilibre entre les intérêts du débiteur (ne pas obérer sa situation financière pour que celui-ci puisse exploiter son activité selon le cours normal de ses affaires) et ceux du créancier (retrouver une recouvrement le plus rapidement possible pour ne pas être en concurrence avec les futurs créanciers de la société).

3° Prévoir les conséquences de la novation

Si la clause est rédigée de telle manière à ce que celle-ci soit interprétée comme une nouvelle obligation (emportant donc novation), il conviendra alors de prévoir les conséquences de cette novation surtout dans l’intérêt du créancier en stipulant par exemple le maintien des éventuelles accessoires (voir article 1334 du code civil).

4° La prescription de la créance

La créance peut-elle être prescrite ? Que ce soit un terme ou une condition, la prescription démarre au jour de l’échéance du terme ou de la réalisation/défaillance de la condition. Une mise en demeure est généralement nécessaire mais les parties peuvent en principe convenir que le débiteur sera en demeure par la seule échéance du terme (article 1344 du code civil).

A noter : l’article 1176 du code civil (qui n’a pas été repris par l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des obligations) prévoyait auparavant que “Lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.” A partir de ce texte, la Cour de cassation considérait que “l'engagement affecté d'une condition suspensive sans terme fixe subsiste aussi longtemps que la condition n'est pas défaillie” (Cour de cassation, 6 mars 2007, n° n° 05-17.546 et 4 juin 1991, n° 90-11.295). Mais, la Cour de cassation a récemment décidé que « la stipulation d'une condition suspensive sans terme fixe ne peut pour autant conférer à l'obligation un caractère perpétuel et […] les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive » (Cour de cassation, 20 mai 2015, n° 14-11.851). Cela signifierait donc que la clause devrait prévoir un terme raisonnable (10 ans ?) à partir duquel la créance serait définitivement éteinte.

5° La procédure des conventions réglementées

La Compagnie nationale des commissaires aux comptes considère que ne sont pas considérées comme des opérations courantes, et doivent donc faire l’objet du respect de la procédure des conventions dites réglementées lorsque celle-ci est prévue par la loi, les “abandons de créance avec ou sans clause de retour à meilleure fortune” (Bulletin, septembre 1990, 289 ; mars 1985, p. 136).

6° Aspects fiscaux

Voir les développements du Bulletin officiel des impôts (qui n’est plus mis à jour) principalement dans les groupes de sociétés (BOI-IS-BASE-10-10-30-20160504, § 120 et BOI-IS-GPE-20-20-40-10-20160504, § 200).

7° Procédure collective

En cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, il convient pour le créancier de déclarer sa créance (voir arrêt précité de la Cour de cassation du 12 octobre 2004).

Le coin des juristes

Pour aller plus loin, voir : R. Kauffmann, De l'utilité et des effets d'une clause potestative : la clause de retour à meilleure fortune dans les abandons de créances amiables et concordataires, Dalloz 1982. chronique 129; A. Couret et G.-A. de Sentenac, Les clauses de retour à meilleure fortune, Droit et patrimoine, octobre 1993, p. 43; O. Playoust, Contribution à la moralisation du droit des procédures collectives : la clause de retour à meilleure fortune, Revue des procédures collectives 1994, p. 349; T. Jacomet et A. Bejinariu, Bulletin Joly 1996, p. 365).

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Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris