La non-prise en compte des droits de vote d'un associé pour une décision le concernant

Question : est-il possible de ne pas prendre en compte les droits de vote d’un associé s’agissant d’une décision le concernant (exclusion, agrément, etc.) ?

Réponse : la voie est étroite mais il nous semble possible de prévoir des règles de majorité particulière tant que l’associé dont les droits de vote sont exclus du calcul de la majorité peut participer au vote et voter (étant toutefois précisé que cela ne serait possible que si les textes prévoient que les statuts peuvent déterminer une majorité particulière pour la décision).

Explications : on sait que depuis un arrêt de 2007, il n’est pas possible, si aucune texte ne le prévoit, d’exclure du vote un associé quand bien même la décision le concernerait (Cour de cassation, 23 octobre 2007, arrêt n° 06-16.537). Les clauses statutaires avait tendance à reprendre la règle prévue pour les conventions réglementées s’agissant des sociétés anonymes (voir notamment L. 225-40 du code de commerce).

Le principe rappelé par la Cour de cassation, au visa de l’article 1844, alinéa 1 du code civil est que “tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter”. Est-ce à dire qu’il est possible de ne pas tenir compte, pour le calcul de la majorité, de ses droits de vote ?

Il semblerait que cela soit en effet possible. Dans un arrêt de 2015, la Cour de cassation semble admettre que les statuts puissent stipuler que la décision soit prise à l’“unanimité des autres associés” car le texte visé précise que la décision est prise “à une majorité que [les statuts] fixeront” (R. 323-38 du code rural et de la pêche maritime). Certes, la Cour de cassation censure la cour d’appel qui avait admis le vote mais non pas, semble-t-il, sur le fondement de l’illégalité de la clause, mais parce que l’associé n’avait pas été autorisé à prendre part au vote (Cour de cassation, chambre commerciale, 10 février 2015, n° 13-17.555).

Il semblerait, mais cela ne nous parait pas aussi clair (l’arrêt ayant pris le soin d’indiquer “[cette décision] serait-elle illicite”), que la Cour de cassation ait repris le même raisonnement dans un arrêt récent (Cour de cassation, chambre commerciale, 24 octobre 2018, n° 15-27.911).

Il importerait donc peu que le vote de l'associé n'ait pas d'incidence sur la décision tant que cet associé a pu participer et voter.

Nous notons toutefois que dans le premier arrêt, le texte précisait “à une majorité “ que les statuts fixent. On retrouve parfois cette précision dans les textes comme pour l’agrément dans les sociétés civiles (voir article 1861 du code civil : “Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent “). On peut légitimement s’interroger de la possibilité de ne pas tenir compte des droits de vote de l’associé intéressé si aucune disposition légale ne précise que les statuts peuvent déterminer une majorité spécifique (notamment lorsque les règles de majorités sont impérativement prévues par la loi).

Enfin, la question ne présente véritablement d’intérêt que dans la mesure où le vote de l’associé est nécessaire pour que la décision puisse produire effet (par exemple une exclusion). Il en irait différemment si la décision nécessitait de facto l’accord des autres associés (par exemple en matière d’agrément d’une cession projetée par un associé si la décision doit être prise à l’unanimité).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris