Les conventions d'avance en compte courant sont-elles des conventions réglementées (L. 223-19, L. 225-38, L. 225-86, L. 227-10) ?

Question d’un client : les conventions d’avance en compte courant sont-elles des conventions “réglementées” ou, au contraire, des conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ?

Réponse : si les conventions d’avance en compte courant sont considérées comme des conventions “courantes” (dans les groupes de société), dés lors qu’elles ne sont pas conclues à des conditions “normales”, elles peuvent être considérées comme des conventions réglementées soumises à la procédure prévue selon la forme de la société débitrice.

Explications : dans les sociétés de capitaux, certaines conventions présentant des risques de conflit d’intérêts, les conventions dites “réglementées”, sont soumises à des procédures particulières pour en contrôler préalablement la conclusion (SA : articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce) ou informer de leur existence pour approbation par les associés ou mention dans les registres (SARL : article L. 223-19 du code de commerce ; SAS : article L. 227-10 du même code). Toutefois, ces exigences ne s’appliquent pas aux conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales (SA : articles L. 225-39 et L. 225-87 du code de commerce; SARL : article L. 223-20 du même code; SAS ; article L. 227-11 du même code). Ce sont les conventions dites “libres”.

Les conventions d’avance en compte courant dont le régime a été récemment simplifié par la loi “Pacte” (voir notre article Les modifications de la loi Pacte (2019-486) sur les SAS et les SARL : commissaires aux comptes, émissions obligataires, avance en compte courant, fusion, etc.) sont-elles des conventions “libres” ?

Le caractère courant

Il faut distinguer les conventions intra-groupes (présumées courantes) des autres conventions.

Le caractère courant de ces conventions serait présumé pour les conventions intra-groupes (voir en effet les dispositions de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier).

En-dehors des groupes, l’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) considère que les avances en compte courant ne sont pas des opérations courantes, sauf si de telles opérations sont prévues dans les statuts de la société par exemple (voir également une ancienne réponse du Garde des Sceaux, p. 1084). Dans un avis récent du 4 novembre 2020, l’Ansa a réitéré se position concernant un associé minoritaire détenant plus de 10 % des droits de vote (sauf dans certains cas du fait de la particularité de la société).

Le caractère normal

Le caractère normal peut donner lieu également à discussion y compris pour les conventions intra-groupes.

Un arrêt de 1993 de la Cour de cassation envisageait ainsi la procédure des conventions réglementées pour une convention d’avance en compte courant dès lors que les modifications “apportées ultérieurement [avaient] pour effet d'en rendre les conditions d'exécution plus onéreuses”. Selon une étude, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes préconise d'apprécier le caractère normal de ces conventions en fonction non seulement du marché, mais également des conséquences internes de l'opération (réalisation ou non d'une marge, par exemple) et des contreparties éventuelles (CNCC, Les conventions réglementées et courantes, févr. 2014, spéc. p. 23 à 31). L'appréciation du caractère normal des conditions de la transaction est à rechercher en tenant compte à la fois de l'importance des montants en cause au regard de la situation des sociétés en présence (et notamment des possibilités financières de la société qui en supporte la charge) et du taux appliqué au regard de la nature de l'opération et de sa durée, cette appréciation reposant sur les conditions en vigueur tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des personnes concernées (dans le même sens, Association nationale des sociétés par actions, 3 avril 1991, comité juridique n° 162).

Voir également notre article Quelles informations doivent figurer dans le rapport sur les conventions de l'article L. 227-10 (SAS) ? et Conventions réglementées dans les SAS : Que signifie "par personne interposée" (L. 227-10, L. 225-38, L. 225-86, L. 223-21, L. 225-43, L. 225-91) ?

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris