Perte de la moitié des capitaux propres : à quelle majorté doit être prise la décision de ne pas dissoudre (L. 223-42, L. 225-248)

Question pratique : à quelle majorité doit être prise la décision des associés de ne pas dissoudre la société lorsque les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social ?

Réponse : tout dépend de la forme de la société, la SAS soulevant une problématique particulière.

Explication : on sait que, pour les sociétés de capitaux (SARL, SA, SCA, SAS, etc.) si du fait des pertes constatées, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés décident, dans les quatre mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte s'il y a lieu à dissolution anticipée de la société.

Mais à quelle majorité ?

SARL

Pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL), cette majorité est celle “exigée pour la modification des statuts” (L. 223-42). Tout dépendra donc de la date de constitution de la société, de la rédaction des statuts et de la nature de la réunion (1ère convocation ou suivante) (pour le régime applicable, voir L. 223-30).

SA

Pour les sociétés anonymes (SA), cette majorité est celle de l’assemblée générale extraordinaire (L. 225-248). Ce sont donc les règles prévues pour cette forme d’assemblée qui s’appliquent (L. 225-96).

SCA

Pour les sociétés en commandite par actions (SCA), cette majorité est la même que pour les sociétés anonymes (L. 225-248 et L. 225-96 sur renvoi de L. 226-1) étant toutefois précisé qu’elle nécessite l’unanimité des commandité (L. 226-11).

SAS

Pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), ce sont les règles de majorité prévues dans les statuts qui s’appliquent. Les choses se compliquent néanmoins. Si l’article L. 225-248 s’applique aux SAS par renvoi (L. 227-1) l’article L. 225-96 sur les règles de majorité dans les SA est expressément exclu pour les SAS (même article L. 227-1). Certes, l’article L. 227-9 précise que “les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires […] des sociétés anonymes, en matière […] de dissolution, […] sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés”. S’il s’agit donc incontestablement d’une décision de la collectivité des associés (pour les SAS pluripersonelles), quelle majorité appliquée à défaut de stipulation expresse dans les statuts ?

Cette question n’est pas théorique car si les statuts stipulent souvent les conditions de majorité pour la dissolution, ils stipulent très rarement les conditions de majorité pour ne pas prononcer la dissolution en application de l’article L. 225-248 du code de commerce.

Peut-on assimiler la décision de prononcer la dissolution à la décision de ne pas la prononcer lorsqu’elle découle d’un effet de la loi ?

Dans l’affirmative (1ère incertitude), il faudrait alors se référer aux statuts (voir les conditions de majorité pour prononcer la dissolution).

A défaut de précision dans les statuts (rare en pratique) ou si la décision de ne pas prononcer la dissolution était considérée comme différente de celle décidant de la prononcer volontairement, quelles seraient les règles applicables ?

Généralement (mais cela n’en fait pas une règle légale, mais peut en faire un principe reconnu par la Cour de cassation), la dissolution est de la même compétence que celle qui modifie les statuts. Un parallèle pourrait être fait avec les SARL et les SA pour lesquelles le législateur a entendu placer la décision de ne pas prononcer la dissolution dans la même catégorie que celle des décisions modifiant les statuts. Si tel était le cas (2ème incertitude) pour les SAS, la majorité serait donc celle prévue par les statuts pour la modification des statuts ou, à défaut de précision, l’unanimité en application de l’article 1836 du code civil (qui s’applique à toute société qu’elle que soit sa forme à défaut de disposition légale contraire, voir cour d'appel de Versailles, 17 Juin 2021, arrêt n° 18/05537).

Pour éviter ces incertitudes, il est conseillé (rare en pratique) de stipuler dans les statuts de la SAS la majorité requise pour la décision prise en application du premier alinéa de l’article L. 225-248.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris