Le sort des mandats des commissaires aux comptes en cas de transformation d'une société

Question pratique : le mandat des commissaires aux comptes en cas de transformation d’une société est-il maintenu après cette transformation ou peut-on y mettre fin ?

Réponse : dès lors que la nouvelle forme de la société n’impose pas de désigner un commissaire aux comptes , le mandat des commissaires aux comptes, selon la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, prend fin de plein droit.

Explication : avant la transformation d’une société, celle-ci peut avoir désigné des commissaires aux comptes (de manière obligatoire ou volontaire). Quel est le sort des mandats du ou des commissaires aux comptes dans la nouvelle forme que la société a prise ?

Il existe un principe en droit des sociétés selon lequel “La transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle” (article 1844-3 du code civil). On pourrait donc penser que la personne morale subsistant, ses engagements envers les commissaires aux comptes sont maintenus puisque la durée de leur mandat est prédéterminée par la loi (3 ou 6 ans). En effet, on sait qu’en cas de démission des commissaires aux comptes titulaire et suppléant (ou simplement titulaire en l’absence de suppléant), la société est tenue de désigner des commissaires aux comptes de remplacement jusqu’à la fin de la durée légale des mandats restant à courir, même lorsque les commissaires aux comptes ont été désignés volontairement (Cour de cassation, 6 novembre 2012, n° 11-30.648).

Une réponse du ministre de la Justice a toutefois précisé que la transformation, si elle n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle, “a pour effet de placer désormais la personne morale préexistante sous l’empire de toutes les règles régissant le type de société nouvellement adopté […] il y a lieu, en conséquence, de considérer que les commissaires aux comptes, bien que désignés pour six ans […] ne peuvent poursuivre leur mandat après la transformation […] dès lors que la nomination des commissaires aux comptes [dans la nouvelle forme sociale] obéit à des règles différentes, notamment quant aux conditions de leur nomination, à leur nombre, aux incompatibilités auxquelles ils sont soumis et à la durée de leur mandat” (Journal officiel de l’Assemblée nationale, 2 octobre 1972, p. 3874).

Il ressort d’un avis n° 09-06 du 31 mars 2009 du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés la même opinion. Si la nouvelle forme ne requiert pas la désignation d’un commissaire aux comptes (soit parce qu’aucune obligation de désignation n’existe soit parce que les critères rendant obligatoire la désignation ne sont pas atteints) alors les associés de la société peuvent décider de mettre fin de manière anticipée au mandat du ou des commissaires aux comptes. Cet avis est confirmé (partiellement nous allons le voir après) par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (Bulletin, n° 159, septembre 2010, p. 559 et s.).

L’avis du comité de coordination, qui vise l’ancien article R. 227-1 du code de commerce (critère de désignation obligatoire), ne précise pas de différence selon que les commissaires aux comptes avaient été désignés obligatoirement ou volontairement avant la transformation. L’article L. 227-9-1 du code de commerce, dans sa rédaction de 2009, visait bien ces différentes hypothèses. Selon la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, en cas de désignation volontaire, le mandat des commissaires aux comptes prendrait également fin car la décision initiale de désigner volontairement les commissaires aux comptes a été prise dans le cadre d’une forme de société donnée induisant un certain type d’organisation et de répartition des pouvoirs et que ces caractéristiques sont modifiées par la transformation (Bulletin, n° 159, septembre 2010, p. 559 et s).

A noter : la fin des mandats des commissaires aux comptes s’appliquerait également si la transformation était irrégulière mais sans être nulle comme par exemple si elle était décidée alors que le montant des capitaux propres était inférieur au capital social (en ce sens, CNCC, Note d’information, NI VI., Les commissaires aux comptes et la transformation des sociétés, juillet 2018, § 4.53, p. 72).

Inversement, si une fois la transformation intervenue, la société est tenue de désigner un commissaire aux comptes, le mandat des commissaires aux comptes de la société sous son ancienne forme perdure que cette désignation soit intervenue de manière obligatoire ou volontaire (voir CNCC, Note d’information, NI VI., Les commissaires aux comptes et la transformation des sociétés, juillet 2018, § 1.432, p. 12).

A noter : dans la mesure où les critères de désignation obligatoire se réfèrent aux deux derniers exercices comptables (D. 221-5) et que le nombre moyen de salarié peut être apprécié sur le dernier exercice comptable (D. 123-100), la question de la détermination de l’obligation ou non de désigner un commissaire aux comptes peut devenir compliquée si la transformation est décidée les quatre premiers mois qui suivent la fin d’un exercice (c’est-à-dire dans l’attente des comptes).

Mais attention, contrairement à l’avis du comité de coordination du registre du commerce et des sociétés qui donne la possibilité aux associés “de mettre fin” au mandat, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes considère que les mandats prennent fin de plein droit. Les conséquences ne sont donc pas les mêmes puisque si les associés souhaitent maintenir les mandats alors les mandats ne sont pas maintenus depuis leur origine pour la durée restant à courir mais sont renouvelés pour une nouvelle durée de 3 ou 6 ans (CNCC, Note d’information, NI VI., Les commissaires aux comptes et la transformation des sociétés, juillet 2018, § 1.433, p. 12).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris