La nomenclature des fautes (dolosive, lourde, inexcusable) et clauses relatives à la responsabilité (exclusive, limitative, pénale, etc.) en droit français.

Petit rappel des notions de faute en droit français.

Faute dolosive : refus volontaire d’exécuter une obligation même si ce refus n’est pas dicté par une intention de nuire (1231-3, Cour de cassation, 4 février 1969, n° 67-11.387).

Faute lourde : négligence d’une extrême gravité confinant au dol dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de son obligation contractuelle (1231-3, Cour de cassation, 1er avril 2014, n° 12-14.418 et 12-15.939). En matière sociale, elle est caractérisée par l’intention de nuire du salarié (Cour de cassation, 17 septembre 2014, n° 13-19.499).

Faute inexcusable : faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable (L. 133-8, Cour de cassation, 18 novembre 2014, n° 13-23.194).

A noter : la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 a introduit une nouvelle faute (1254) consistant à délibérément commettre une faute (manquement aux obligations légales ou contractuelles afférentes à l’activité professionnelle) en vue d'obtenir un gain ou une économie indu. Cette faute n’est pas assurable. C’est ce que certains dénomment la « faute lucrative » (D. Fasquelle, L’existence de fautes lucratives en droit français, Les Petites affiches, 20 novembre 2002, n° 232), notion venant du droit maritime (Cour de cassation, 5 juin 1920 : “Attendu […] que cette modification à la convention, sans avis au chargeur, constituait une faute à la charge de l'armement qui profitait de la différence entre le fret du pont et celui de la cale », Gazette du palais, 1920 2, 134).

Petit rappel sur les clauses visant à neutraliser ou amoindrir les conséquences d’une faute.

Clause exonératoire de responsabilité : supprimer toute responsabilité en cas d’inexécution contractuelle ou au titre des garanties ou responsabilités légales (Cour de Cassation, 15 juin 1959, n° 57-12.362 ; Cour de Cassation, 19 janvier 1982, n° 80-15.745). On peut y inclure les clauses excluant la repsonsabilité in solidum (Cour de cassation, 19 mars 2013, n° 11-25.266 ; 19 janvier 2022, n° 20-15.376).

Clause exclusive de réparation : supprimer tout droit à réparation (Cour de Cassation, 15 juin 1959, n° 57-12.362).

Clause limitative de responsabilité : limiter les cas ouvrant droit à mise en jeu de la repsonsabilité (Cour de Cassation, 19 janvier 1982, n° 80-15.745).

Clause limitative de réparation : limiter par avance la réparation (Cour de Cassation, 26 mai 1992, n° 90-19.295 ; contestation possible vis-à-vis des non-professionnels Cour de cassation, 4 février 2016, n° 14-29.347).

Clause pénale : allouer une somme déterminée (forfait) en avance en cas d’inexécution (1231-5).

Clause de renonciation à recours : renoncer à tout recours contre le débiteur (Cour de cassation, 24 janvier 1990, n° 88-15.058).

Clause de mitigation : imposer au créancier de minimiser le dommage (pour la prise en compte de l’aggravation du préjudice par une faute du créancier : Cour de cassation, civile, 24 novembre 2011, n° 10-25.635).

Clause de prescription : limiter la période pendant laquelle le créancier peut agir contre le débiteur ou abrégeant le délai de prescription (Cour de cassation, 12 juillet 2004, n° 03-10.547 et 03-10.891).

Clause sur la preuve : limiter les moyens de preuve ou renverser la charge de la preuve (1356).

A noter : les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants sont opposables aux tiers (Cour de cassation, 3 juillet 2024, n° 21-14.947).

Les dommages

Sémantique : en droit de la responsabilité délictuelle on distingue le dommage qui est l’atteinte que subit une personne ou un bien, du préjudice (qui peut être patrimonial, extrapatrimonial) qui est la conséquences du dommage (voir par exemple 2226). En matière contractuelle, le terme dommage se confond avec le terme préjudice.

En droit français le dommage (préjudice) est constitué, en général, de la perte que le créancier a faite et du gain dont il a été privé (1231-2) étant précisé que les dommages résultant du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal (1231-6). Le dommage doit avoir été prévisible pour le débiteur sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive (1231-3). Dans tous les cas (quelle que soit la nature de la faute), les dommages ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution (1231-4).

A noter : en matière d’assurance, on rencontre parfois les notions de préjudice immatériel ou perte indirecte. Ces préjudices sont composés des frais (frais engagés, remboursement des intérêts d’un prêt, etc.) et manque à gagner (perte de bénéfice, perte de production, perte de clientèle, privation de jouissance, etc.). Il peuvent être consécutifs ou non consécutifs (réparables si suite nécessaires du préjudice) ou purs (réparables si suite immédiate et directe du fait dommageable ou de l’inexécution, y compris par ricochet). Par exemple la perte d’exploitation après incendie (dommage immatériel consécutif), la perte financière due à une panne logicielle (dommage immatériel non consécutif), des retards de livraison aux clients dû à une mauvaise conception d’un logiciel de gestion de livraison (dommage immatériel pur).

La perte de chance est indemnisable en droit français (Cour de cassation, 12 octobre 2016, n° 15-23.230 et 15-26.147 ; 20 mai 2020, n° 18-25.440 ; 15 septembre 2022, n° 21-13.670). Elle ne se confond pas avec la perte de la totalité des gains espérés (Cour de cassation, 9 avril 2002, n° 00-13.314 ; 7 avril 2016, n° 15-11.342 ; 11 septembre 2025 n° 23-21.882). En effet dans les termes « perte de chance » il y a le mot « chance », donc aléa (éventualité) et donc probabilité (le juge doit déterminer la probabilité de l’événement favorable avant la faute). En revanche, il faut que la perte de chance soit « actuelle et certaine » c’est-à-dire la disparition de la probabilité de réalisation du fait de la faute (Cour de cassation, 8 mars 2012, n° 11-14.234).

Le préjudice moral est indemnisable en France, y compris pour les personnes morales de droit privé ou de droit public (Cour de cassation, 15 mai 2012, n° 11-10.278 ; également 9 février 1993, n° 91-12.258 ; 27 février 1996, n° 94-16.885 ; 3 juillet 2001, n° 98-18.352 ; 28 septembre 2010, n° 09-69.272 ; 21 mars 2018, n° 16-87.008 ; 27 janvier 2021, n° 18-16.784).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris