Le déséquilibre significatif dans les contrats commerciaux (C. civ., 1171, C. com., L. 442-1)

Le déséquilibre significatif est une notion que l’on retrouve notamment en droit civil et commercial. En droit civil, il trouve son siège dans les contrats d’adhésion, c’est-à-dire les contrats comportant un ensemble de clauses non négociables (1110). En droit commercial, il trouve son siège dans les pratiques commerciales déloyales. On retrouve également ce concept en droit de la consommation (L. 212-1) .

Droit civil

C. civ. 1171

Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

En droit civil, le déséquilibre significatif repose sur les mêmes critères que ceux en droit de la consommation (clauses abusives) qui elle-même découle des articles 3 et 4 de la directive 93/13/CE c’est-à-dire lorsque la clause crée au détriment de l’adhérent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend.

A noter : en droit civil, il existe également l’engagement sans contrepartie réelle (1169).

Sanction : clause (tout ou partie) réputée non écrite sans entraîner nécessairement la nullité du contrat (1184, 1170) sauf s’il s’agit d’un élément essentiel du contrat (1132) ou du fait de la volonté des parties (1135).

Droit commercial

C. com. L. 442-1, I, 2°

Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services, de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties .

En matière commerciale, le déséquilibre significatif requiert une analyse concrète de l'économie générale du contrat (Cour de cassation, 26 février 2025, n° 23-20.225). Le déséquilibre (qui en soit n’est pas interdit) se matérialiserait par l’excès par rapport à l’avantage obtenu (défaut de réelle contrepartie). Il n’est pas que juridique mais peut aussi être économique.

Un arrêt de la cour d’appel de Paris résume la démonstration à rapporter de part et d’autre : “Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif. L'insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d'adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer ce premier élément. L'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d'une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d'une disproportion importante entre les obligations respectives des parties. Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l'économie du contrat et in concreto. La preuve d'un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l'entreprise mise en cause, sans que l'on puisse considérer qu'il y a inversion de la charge de la preuve. La mise en œuvre de l'article L.442-6, I, 2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées ; si les contrats d'adhésion ne permettent pas a priori de négociations entre les parties, il incombe néanmoins à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant, à des obligations injustifiées et non réciproques.” (Cour d’appel de Paris, 24 mars 2021, n° 19/13527 et après cassation cour d’appel de Paris, 12 mars 2025 n° 24/06973), la soumission ou la tentative de soumission pouvant résulter de l’impossibilité de négocier la clause avant la signature du contrat et non de de la possibilité de conclure avec une autre entreprise (Cour de cassation, 18 octobre 2023, n° 21-25.324).

A noter : en droit commercial, il existe également l’engagement “sans contrepartie réelle” ou “manifestement disproportionné” (L. 442-1, I, 1°).

Articulation

Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce ou du code de la consommation.

L'article 1171 du code civil s'applique donc aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, c’est-à-dire les pratiques restrictives de concurrence entre professionnels (par exemple les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement : Cour de cassation, 26 janvier 2022, n° 20-16.782).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris