Transfert du siège social d'un groupe de sociétés (hors transfert international) : attention à certaines formalités particulières

Question pratique : existe-t-il des formalités particulières lorsqu’un groupe de sociétés décide de déplacer son siège social (hors transfert international) ?

Réponse : si des accords le prévoient (généralement contrats de prêt ou subventions) notifier ou demander l’autorisation préalable aux partenaires et si le transfert du siège social entraîne le déplacement des relations avec la clientèle, notifier préalablement aux créanciers qui auraient une inscription sur le fonds de commerce de la société-mère et/ou des filiales (vendeurs du fonds ou créanciers nantis sur le fonds et éventuellement créanciers privilégiés et sur stocks).

Explications : un groupe de sociétés est composé d’une société mère, généralement titulaire d’un bail commercial ou d’un titre de propriété, et de filiales, généralement titulaires soit de conventions de sous-location commerciale soit de contrats ou attestations de domiciliation intragroupe. Lorsque la société-mère décide de transférer son siège social, les impacts peuvent donc être nombreux.

Le transfert du siège social en soit n’est pas une opération “réglementée” par la loi (à l’exception des formalités et notifications à faire aux administrations). En revanche, les sociétés du groupe peuvent être tenues par des engagements contractuels qui leur imposent soit une obligation d’information, soit une obligation d’obtenir une autorisation préalable. Ainsi, il est devenu usuel de voir dans les contrats de crédit une clause obligeant l’emprunteur d’informer le prêteur de “tout fait ou événement modifiant sa situation personnelle, économique, financière et juridique ” (termes assez larges pour englober un changement de siège social). Il convient donc d’analyser les contrats de prêt éventuellement souscrit par les sociétés du groupe. La même analyse devra être effectuée pour les éventuelles subventions accordées par des organismes.

Si le “le déplacement du siège social d'une société propriétaire d'un fonds de commerce n'emporte pas nécessairement transfert de ce fonds” (Cour de cassation, chambre commerciale, 29 janvier 2002), le transfert du siège social peut aussi entraîner un transfert du fonds de commerce. Le fonds de commerce en droit français est essentiellement composé de la clientèle (il s’agit donc d’un élément intangible). Dès lors que la clientèle est attachée matériellement au siège social (et non auprès d’un autre établissement principal ou secondaire particulier), le transfert du siège social entraîne alors “déplacement” du fonds de commerce pour reprendre l’expression surannée de l’article L. 143-1 du code de commerce. Dans ce cas, des formalités doivent être préalablement effectuées à savoir la notification aux créanciers inscrits sur le fonds. Il en ira de même en cas de résiliation amiable des conventions de sous-location commerciale qui auraient été conclues entre la société-mère (ou le titulaire du titre d’occupation des locaux du siège) et ses filiales (ou les entités bénéficiant d’un droit de sous-occupation) dès lors que le transfert du siège social de ces filiales ou entités entraîne le transfert également de leur fonds de commerce. A partir du moment où les clients de la société ne connaissent que l’adresse du siège social comme lieu de leurs relations d’affaires avec la société, on peut considérer que le siège social est le lieu d’exploitation du fonds de commerce. Ce raisonnement devrait s’appliquer alors à tout “déplacement” du siège social (y compris en cas de simple domiciliation intragroupe, le bail commercial comme une sous-location commerciale étant un élément du fonds de commerce mais ne se confond pas avec lui lequel peut donc exister sans titre commercial d’occupation).

Les “créanciers inscrits” seraient les créanciers bénéficiant d’une sûreté conventionnelle ou judiciaire sur le fonds de commerce. Il s’agit, pour reprendre la liste de l’article L. 142-2 du code de commerce, principalement des personnes bénéficiant d’un droit de gage ou de nantissement sur l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés.

Les autres éléments sont donc exclus (par exemple les marchandises, les immeubles par nature ou par destination, les biens pris en crédit-bail). Les créanciers bénéficiant d’un droit que sur les éléments exclus ne font donc pas partie des créanciers inscrits. De même, les privilèges généraux du Trésor public et des organismes de sécurité sociale et des régimes complémentaires ne seraient pas considérés comme des créanciers inscrits (voir toutefois l’opinion contraire ressortant d’un jugement du tribunal de grande instance de Paris de 1994 cité par Bénédicte Humblot-Gignoux dans un article paru dans Loyers et coprorpriété, n° 11, novembre 2006, étude 21). Il y aurait également aussi une incertitude quant aux créanciers sur stock visés à l’article L. 527-1 du code de commerce (car il serait un élément important du fonds de commerce).

Dès lors, pour vérifier la liste des créanciers inscrits, il convient de demander au greffe la “catégorie 2” (à l’exclusion des déclarations de créances) de l’état d’endettement. Par mesure de précaution, il pourrait être demandé également les éléments figurant en “catégorie 1” (privilège) et “catégorie 4” (gage des stocks), même si cette précaution est éloignée de la pratique.

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Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris