Quelle situation financière pour une opération envisagée, dans les premiers mois de l'exercice, avec suppression du droit préférentiel de souscription (R. 225-115) ?

Question : quelle situation financière prendre en compte pour une opération envisagée, dans les premiers mois de l'exercice, avec suppression du droit préférentiel de souscription pour les sociétés dotées d’un commissaire aux comptes (R. 225-115 du code de commerce) ?

Réponse : en l’absence d’arrêté des comptes de l’exercice précédent (et donc de leur certification par le commissaire aux comptes), la société peut soit établir une situation intermédiaire soit utiliser les comptes de l’exercice clos, dans les deux cas le commissaire aux comptes devant procéder à une vérification.

Explications : lorsqu’une opération nécessite de supprimer le droit préférentiel de souscription, le rapport du président et du commissaire aux comptes doit indiquer, pour le premier, “l'incidence de l'émission proposée sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital, en particulier en ce qui concerne leur quote-part des capitaux propres à la clôture du dernier exercice” et, pour le second, son "avis […] sur l'incidence de l'émission sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital appréciée par rapport aux capitaux propres […]” (art. R. 225-115 du code de commerce).

Remarque : pour savoir dans quel rapport cette incidence doit être indiquée voir notre article Augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription : quels rapports quel contenu ? (L. 225-135, L. 225-138, R. 225-113, R. 225-114, R. 225-115, R. 225-116, R. 225-117).

Si la clôture de l’exercice fiscal de la Société est antérieure de plus de six mois à l'opération envisagée (par exemple une opération envisagée le 15 octobre de l’année N pour une société qui a clôturé ses comptes le 31 décembre de l’année N-1), cette incidence est appréciée “au vu d'une situation financière intermédiaire établie selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel”. Dans ce cas, le commissaire aux comptes “vérifie et certifie la sincérité des informations tirées des comptes de la société sur lesquelles il donne cet avis” (voir article R. 225-115 précité).

Que se passe-t-il lorsque l’opération envisagée se situe après la clôture de l’exercice mais avant l’arrêté ou l’approbation des comptes de cet exercice (et donc leur certification par le commissaire aux comptes lorsque la société est dotée d’un commissaire aux comptes) ? Soit une opération envisagée le 15 février de l’année N la société ayant clôturée ses comptes le 31 décembre de l’année N-1. On comprend bien dans ce cas que certes l’opération n’intervient pas 6 mois après la clôture de l’exercice mais que les comptes de l’exercice clos n’ayant pas encore été arrêtés, ils n’auront peut être pas été vérifiés ni certifiés par le commissaire aux comptes plaçant la société dans une position encore moins avantageuse que si l’opération avait été envisagée six mois après la clôture, les dernières informations comptables vérifiées et certifiées étant très “datées” puisque datant de l’exercice N-2 (sauf à ce que la société établisse des situations semestrielles auditées par le commissaire aux comptes auquel cas on se situerait dans la même situation d’une opération se faisant 6 mois après la clôture d’un exercice, le problème restant entier en toute hypothèse).

Dans sa note d’information de septembre 2015, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes indique que “Lorsque l’augmentation du capital intervient au cours du premier semestre d’un exercice N, mais avant l’arrêté des comptes du dernier exercice clos (N-1), les textes légaux et réglementaires n’imposent pas à la société d’établir une situation financière intermédiaire. Il convient toutefois de souligner que ces textes sont imprécis et que s’il n’apparaît pas que le législateur ait voulu interdire la réalisation d’augmentations du capital au cours du premier semestre d’un exercice (N) et avant l’arrêté des comptes de l’exercice précédent (N-1) il est au demeurant souhaitable que le rapport de l’organe compétent communique à l’organe délibérant une information pertinente et à jour afin que les actionnaires puissent statuer sur la résolution proposée. Ainsi, par analogie avec les dispositions de l’article R. 225-115 du code de commerce qui exigent l’établissement d’une situation financière intermédiaire lorsque l’augmentation du capital intervient au cours du second semestre de l’exercice, il apparaît souhaitable que l’information communiquée aux actionnaires, en cas d’opération intervenant au cours du premier semestre de l’exercice et en l’absence de comptes de l’exercice précédent arrêtés par l’organe compétent, soit basée sur une situation financière intermédiaire de l’exercice précédent. Ou bien, lorsqu’il existe un projet de comptes de l’exercice précédent, la société peut souhaiter, notamment dans un souci de meilleure information de ses actionnaires, calculer l’incidence de l’émission sur la base de ces comptes provisoires.” (§ 1.25.8 d). Dans le dernier cas, le commissaire aux comptes effectue alors a minima la vérification de la sincérité des informations chiffrées, cette vérification différant selon que les comptes ont été audités ou sont en cours d’audit (combinaison des § 3.5 et 2.23.2G a et b). Le commissaire aux comptes par ailleurs “vérifie que le rapport de l’organe compétent fait état du fait que les données chiffrées sont issues de comptes provisoires et l’indique dans le rapport qu’il établit” (§ 3.5).

En conclusion donc, dans une telle situation, soit une situation intermédiaire est établie soit les comptes provisoires de l’exercice clos sont utilisés, dans les deux cas, le commissaire aux comptes devant procéder à leur vérification.

A noter : pour une opération envisagée par une société n’ayant pas encore clôturé son premier exercice, voir notre article Augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription d'une société par actions n'ayant pas clôturé son premier exercice : faut-il une situation intermédiaire ? (R. 225-115)

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris