Les formalités exceptionnelles en droit des affaires

Le présent article a pour objet de lister les formalités particulières pour des actes qui normalement n’y sont pas soumis. Il sera mis à jour régulièrement.

ACHAT OU VENTE

Achat ou vente de droits sociaux

1° Droits sociaux dont le montant (prix) est supérieur à 15 millions d’euros

Code monétaire et financier, L. 141-6, R. 152-3, arrêté du 7 mars 2003 (art. 7), décision n° 2007-01 du Comité monétaire du Conseil général de la Banque de France (art. 5)

Conditions : achat ou vente par un non-résident

Formalité : déclaration auprès de la Banque de France (direction générale des études et des relations internationales, direction de la balance des paiements) dans les 20 jours ouvrables suivant la date de réalisation effective

A noter : voir les formulaires et l’envoi par e-mail des déclarations sur le site de la Banque de France.

Sanction : à déterminer par décret (aucun texte réglementaire pris à ce jour, donc principes de droit commun : amende de 1ère classe, R. 610-5 et 131-13 du code pénal).

2° Parts de société civile immobilière détenant une unité foncière

Code de l’urbanisme, L. 213-1 (3°) et suivants

Conditions : cession de la majorité ou cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts d’une société civile immobilière lorsque son patrimoine est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption

Formalité : déclaration préalable (déclaration d’intention d’aliéner dite “DIA”)

Sanction : nullité

A noter : on pouvait s’interroger sur l’application du droit de préemption à tous “droits sociaux” (parts sociales, actions, valeurs mobilières composées), le 1° de l’article L. 213-1 du code de l’urbanisme visant d’une manière générale “les droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble” (termes introduits par la loi n° 75-1328 à l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme) . En réalité, les droits sociaux visés au 1° sont ceux des sociétés d’attribution visées au titre II ou au titre III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 codifiée aux articles L. 212-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation. Il existe donc bien un régime spécifique pour les sociétés civiles immobilières. Cela signifie donc que le droit de préemption ne s’applique que lorsque les sociétés civiles détiennent des unités foncières et non lorsqu’elles détiennent un immeuble ou une partie d'immeuble, bâti ou non bâti (par exemple un lot de copropriété).

A noter : en cas de nantissement de plus de la moitié des parts d’une société civile dont le patrimoine est constitué d’une unité foncière, il conviendrait apparemment (Cour de cassation, 4 avril 1968, assimilant le pacte commissaire à une dation en paiement et donc une aliénation à titre onéreux, sur l’application de l’ancien article 790 du code rural), avant la réalisation (notamment en cas de pacte commissoire), de procéder aux formalités citées ci-dessus (et d’informer le créancier bénéficiaire du nantissement de cette formalité au moment du gage).

3° Plus de 50 % des parts d’une SARL ou actions d’une société par actions ayant des salariés

Code de commerce, L 23-10-1, D. 23-10-1 et s.

Conditions : vente par le propriétaire de plus de 50 % des parts sociales, des actions ou valeurs mobilières d’une société n’ayant pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise [comité social et économique ?]

Formalité : information des salariés 2 mois avant la vente

Sanction : amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente

A noter : les nouveaux salariés embauchés entre la date de notification et la cession n’auraient pas à être informés (Association des sociétés par actions, avis 23-007 du 1er février 2023)

Achat ou vente d’une entreprise dont le montant (prix) est supérieur à 15 millions d’euros

Code monétaire et financier, L. 141-6, R. 152-3, arrêté du 7 mars 2003 (art. 7), décision n° 2007-01 du Comité monétaire du Conseil général de la Banque de France (art. 5)

Conditions : acquisition ou cession d’entreprises non-résidentes par un résident

Formalité : déclaration auprès de la Banque de France (direction générale des études et des relations internationales, direction de la balance des paiements) dans les 20 jours ouvrables suivant la date de réalisation effective

A noter : voir les formulaires et l’envoi par e-mail des déclarations sur le site de la Banque de France.

Sanction : à déterminer par décret (aucun texte réglementaire pris à ce jour, donc principes de droit commun : amende de 1ère classe, R. 610-5 et 131-13 du code pénal).

Achat ou vente d’un bien immobilier

1° Bien immobilier dont le montant (prix) est supérieur à 15 millions d’euros

Code monétaire et financier, L. 141-6, R. 152-3, arrêté du 7 mars 2003 (art. 7), décision n° 2007-01 du Comité monétaire du Conseil général de la Banque de France (art. 5)

Conditions : acquisition ou cession de biens immobiliers à l'étranger par des résidents et en France par des non-résidents

Formalité : déclaration auprès de la Banque de France (direction générale des études et des relations internationales, direction de la balance des paiements) dans les 20 jours ouvrables suivant la date de réalisation effective

A noter : voir les formulaires et l’envoi par e-mail des déclarations sur le site de la Banque de France.

Sanction : à déterminer par décret (aucun texte réglementaire pris à ce jour, donc principes de droit commun : amende de 1ère classe, R. 610-5 et 131-13 du code pénal).

2° Bien immobilier occupé par un commerçant ou artisan

Code de commerce, L. 145-46-1

Conditions : vente par le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal

Formalité : information du locataire (voir les modalités visées dans l’article)

Sanction : nullité

A noter : ce droit du locataire ne s’applique pas (voir dernier paragraphe de l’article L. 145-46-1) en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial (Pour un exemple : deux boutiques distinctes louées par des preneurs différents et un appartement situé dans le même immeuble, Cour de cassation, 29 juin 2022, n° 21-16.452). Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. Pour la cession globale d’un immeuble, malgré le pluriel utilisé par la loi, l’exception s’appliquerait même si l’immeuble ne comporte qu’un seul local commercial (Réponse du ministre de l’économie, Journal officiel Sénat, 22 avril 2021, n° 21155, p. 2702 ; cour d’appel de Versailles, 14 novembre 2019, n° 19/05033 ; peut-être également Cour de cassation, 17 mai 2018, n° 17-16.133, mais l’arrêt concerne une vente judiciaire).

A noter : ce droit de préemption s’appliquerait y compris pour les locaux à usage exclusif de bureaux (destination) dès lors que le preneur à bail est immatriculé au registre du commerce et des sociétés que le bail est un bail commercial dont l’activité stipulée était une activité commerciale (cour d’appel de Paris, 1er décembre 2021, n° 20/00194). Les locaux à usage industriel ou les baux professionnels sont en revanche excluent du régime de préemption ainsi qu’il résulte des débats parlementaires et pour les locaux à usage industriel d’un arrêt de la Cour de cassation (Cour de cassation, 29 juin 2023, n° 22-16.034, définissant la notion d’usage industriel : “doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l'exercice d'une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œœuvre est prépondérant.”).

A noter : ce droit s’applique même si le local a été détruit après la conclusion de la vente et que le preneur/locataire n’est plus dans les locaux suite à cette destruction (Cour de cassation, 14 septembre 2023, n° 22-15.427).

A noter : si l’information du locataire doit intervenir avant la vente, cela n’empêche pas le propriétaire de conclure un mandat de vente, de faire visiter les locaux et de conclure une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive de la purge du droit du locataire (Cour de cassation, 23 septembre 2021, n° 20-17.799).

A noter : ce droit de préemption ne s’applique pas dans les ventes faites d’autorité de justice (Cour de cassation, 30 novembre 2023, n° 22-17.505) telle que la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire (Cour de cassation, 23 mars 2022, n° 20-19.174 ; 15 février 2023, n° 21-16.475) ou une vente judiciaire dans le cadre d’une liquidation amiable (Cour de cassation, 17 mai 2018, n° 17-16.113).

A noter : ce droit de préemption ne s’applique pas lorsque le bien fait l’objet d’un droit de préemption par une collectivité territoriale au titre du droit de préemption urbain, au titre d’une zone d’aménagement différée ou un périmètre provisoire de cette zone (art. L. 213-9 et L. 213-11 du code de l’urbanisme modifie par la loi n° 2022-217).

A noter : en cas d’irrégularité de la procédure, l’acheteur évincé ne peut pas demander la nullité du fait que le bail n’était pas un bail commercial (voir cour d’appel de Paris, 27 décembre 2022, 21/07772).

3° Terrain de commerces compris entre 300 et 1 000 mètres carrés

Code de l’urbanisme, L. 214-1

Conditions : aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerce d’une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés situés dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité

Formalité : déclaration préalable faite par le cédant à la commune

Sanction : nullité

Achat ou vente d’un fonds de commerce

1° Vente de fonds de commerce d’une entreprise ayant des salariés

Code de commerce, L. 141-23, D. 141-3 et s.

Conditions : entreprises ayant des salariés et qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise, fonds de commerce

A noter : les fonds artisanaux sont donc exclus.

Formalité : information des salariés 2 mois avant la vente

Sanction : amende civile dont le montant ne peut excéder 2 % du montant de la vente

2° Vente de fonds de commerce situé dans une zone de sauvegarde

Code de l’urbanisme, L. 214-1

Conditions : aliénations à titre onéreux d’un fonds de commerce situé dans une zone de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité

Formalité : déclaration préalable faite par le cédant à la commune

Sanction : nullité

3° Vente d’un fonds de commerce dont le bail accorde au bailleur un droit de préemption, de substitution ou de priorité

Code civil, 1103

Conditions : voir le bail commercial

Formalité : voir le bail commercial

Sanction : nullité ou inopposabilité

Achat ou vente d’un fonds artisanal

Code de l’urbanisme, L. 214-1

Conditions : aliénations à titre onéreux d’un fonds artisanal situé dans une zone de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité

Formalité : déclaration préalable faite par le cédant à la commune

Sanction : nullité

BAIL

Bail d’une durée supérieure à 12 ans

Code général des impôts, 742

Conditions : baux à durée limitée d’immeubles fait pour une durée supérieure à 12 années.

Formalité : enregistrement pour perception de la taxe de publicité foncière au taux de 0,70 %.

Bail de locaux à usage d’habitation situés dans des communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne

Code de la construction et de l’habitation, L. 631-7 et s.

Conditions : changement d'usage des locaux destinés à l'habitation/bail d’un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile

Formalité : autorisation préalable/autorisation temporaire de changement d’usage

Sanction : nullité de plein droit

Cession d’un bail commercial

1° Zone de sauvegarde de commerce et de l’artisanat

Code de l’urbanisme, L. 214-1

Conditions : aliénations à titre onéreux du bail commercial situé dans une zone de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité

Formalité : déclaration préalable faite par le cédant à la commune

Sanction : nullité

2°/Preneur, associé unique d’une EIRL ou gérant majoritaire d’une SARL, à la retraite ou invalide

Code de commerce, L. 145-51

Conditions : preneur (ou associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée) ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales

Formalité : signification au propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé

Sanction : ?

Résiliation d’un bail d’un local où est exploité un fonds de commerce

Code de commerce, L. 143-2

Conditions : propriétaire poursuit la résiliation ou les parties résilient amiablement le bail d’un fonds de commerce grevé d’inscriptions

Formalité : notification aux créanciers inscrits

Sanction : inopposabilité aux créanciers inscrits (indemnisation du préjudice)

DEPLACEMENT

Déplacement d’un fonds de commerce

Code de commerce, L. 143-1

Conditions : déplacement du fonds de commerce à un autre siège

Formalité : notification aux créanciers inscrits

Sanction : créance des créanciers inscrits exigibles si dépréciation du fonds (demande de déchéance)

PROMESSE DE VENTE

Fonds de commerce, droit au bail

Code civil, 1589-2, code général des impôts, 1840-A

Conditions : promesse unilatérale de vente

Formalité : acte authentique ou sous signature privée enregistrée dans les 10 jours à compter de la date de son acceptation

Sanction : nullité (ordre public, Cour de cassation, 7 juillet 1982, n° 81-13.361)

Immeuble ou droit réel immobilier

1° Promesse d’une durée de 18 mois ou moins

Code civil, 1589-2, code général des impôts, 1840-A

Conditions : promesse unilatérale de vente

Formalité : acte authentique ou sous signature privée enregistrée dans les 10 jours à compter de la date de son acceptation

Sanction : nullité (ordre public, Cour de cassation, 7 juillet 1982, n° 81-13.361)

2° Promesse d’une durée supérieure à 18 mois

Code de la construction et de l’habitation, L. 290-1

Conditions : promesse consentie par une personne physique, validité (en tenant compte de toute prorogation) supérieure à 18 mois

Formalité : acte authentique

Sanction : nullité (relative, c’est-à-dire que c’est le promettant qui peut l’invoquer ou la ratifier, Cour de cassation, 26 novembre 2020, n° 19-14.601).

SOUSCRIPTION DE DROITS SOCIAUX

Souscription dont le montant est supérieur à 15 millions d’euros

Code monétaire et financier, L. 141-6, R. 152-3, arrêté du 7 mars 2003 (art. 7), décision n° 2007-01 du Comité monétaire du Conseil général de la Banque de France (art. 5)

Conditions : souscription par un non-résident

Formalité : déclaration auprès de la Banque de France (direction générale des études et des relations internationales, direction de la balance des paiements) dans les 20 jours ouvrables suivant la date de réalisation effective

A noter : voir les formulaires et l’envoi par e-mail des déclarations sur le site de la Banque de France.

Sanction : à déterminer par décret (aucun texte réglementaire prisà ce jour, donc principes de droit commun : amende de 1ère classe, R. 610-5 et 131-13 du code pénal).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris