La force probante de la copie papier d'un acte signé électroniquement (C. civ., 1366, 1367, 1379, D. 2016-1673, CGI, 658 et 849)

On sait que “L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.” (article 1366) et que “La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur” et que “Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.” (article 1367 du code civil).

Dès lors que l’acte signé électroniquement répond à ces caractéristiques, quelle est la force probante d’une copie papier ?

L’article 1379 du code civil dispose que “La copie fiable a la même force probante que l'original” et que “Est présumée fiable jusqu'à preuve du contraire toute copie résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte, et dont l'intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d'État.”

A noter : voir les explications sur ces dispositions : “L'évolution des technologies impliquant une conception plus large de l'écrit qui ne se matérialise plus nécessairement sur papier, et consécutivement une multiplication des techniques de reproduction, le régime juridique de la copie devait impérativement être revu. C'est pourquoi l'article 1379 définit la copie et en fixe la valeur probante en un texte unique, qui pose un nouveau principe selon lequel la copie fiable a la même force probante que l'original, peu important que celui-ci subsiste ou pas, et peu important l'origine, le cas échéant, de la disparition de l'original.” (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).

Une copie papier (photocopie ou impression d’un acte signé électroniquement) est-elle une copie fiable ?

A noter : sur la notion de fiabilité, voir les explications suivantes : “La fiabilité d'une copie s'entend des qualités de fidélité à l'original d'une part, et de durabilité dans le temps d'autre part. Si cette fiabilité est irréfragablement présumée pour la copie exécutoire ou authentique d'un écrit lui-même authentique en raison de l'auteur de cette copie, elle ne l'est que simplement pour les autres copies, qui doivent répondre à des critères bien précis pour d'évidentes raisons de sécurité juridique. C'est pourquoi le deuxième alinéa du texte [1379] présume fiable jusqu'à preuve du contraire, la copie simple résultant d'une reproduction à l'identique de la forme et du contenu de l'acte (critère de fidélité à l'original) et dont l'intégrité est garantie dans le temps (critère de durabilité). Les caractéristiques techniques des procédés utilisés, destinés à garantir la fidélité à l'original et la durabilité de la copie, et entraînant le bénéfice de cette présomption, seront définies par décret en Conseil d'état, aux fins de permettre au texte de survivre aux évolutions technologiques futures (Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016).

Le décret n° 2016-1673 présume fiable la copie résultant soit (copie sur support physique) d'un procédé de reproduction qui entraîne une modification irréversible du support de la copie soit (copie électronique), en cas de reproduction par voie électronique, d'un procédé qui répond aux conditions prévues aux articles 2 à 6 du décret.

Le premier procédé est donc la copie d’un original sur un support physique (notamment papier) alors que le second est la copie d’un original par un procédé électronique (exemple une numérisation). .

C’est donc le premier procédé qui nous intéresse. Une copie papier est présumée fiable dès lors qu’elle résulte d’un procédé de reproduction “qui entraîne une modification irréversible du support de la copie”.

A noter : voir les anciennes dispositions de l’article 1348, alinéa 2 du code civil visant “une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support.”.

Une impression ou photocopie est-elle une modification irréversible du support de la copie (en l’espèce une feuille de papier) ?

La Cour de cassation a admis qu’une photocopie constituait “une reproduction fidèle et durable” (Cour de cassation, 25 juin 1996, n° 94-11.745).

Il est en effet indéniable qu’une photocopie ou une impression modifie de manière irréversible le support papier (le support sur lequel la reproduction est intervenue ne peut plus être utilisé pour une autre reproduction) et il faudrait alors utiliser pour modifier la reproduction irréversible des moyens qui altérerait voire détruirait le support du fait de son caractère irréversible.

A noter : voir un arrêt intéressant relevant que la cour d’appel a jugé que la photocopie qui lui était soumise “ne révélait aucune trace de falsification par montage de plusieurs documents […] constituait une copie sincère et fidèle” (Cour de cassation, 30 mai 2000, n° 98-16.519).

A noter : voir en matière d’enregistrement les articles 658, I, 2° et 849 du code général des impôts.

La production de l’original et donc sa conservation ne sont plus requis pour les copies fiables (1379, al. 3) étant toutefois précisé que s’agissant d’une présomption simple, il est toutefois recommandé de conserver l’original autant que faire se peut.

A noter : dans le cadre d’une formalité par correspondance auprès d’un greffe de tribunal de commerce (en l’espèce une fusion dans la mesure où l’Inpi est aujourd’hui dans l’incapacité de la recevoir et qu’Infogreffe ne la propose plus), la copie d’une procuration signée électroniquement n’a pas été admise comme une copie fiable ayant la même valeur qu’un original pour la raison suivante : “[…] dans l’hypothèse où un acte original ou une pièce doit être déposé au greffe, et que ce document est signé électroniquement, la signature consistant alors en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache, l’impression de ce document supprime le lien entre la signature et l’acte. L’intégrité de l’acte n’est plus garantie. Il ne peut donc pas être considéré comme un acte original. Le greffier ne peut pas accepter un acte signé électroniquement imprimé sur support papier.”. Tout d’abord, on constate que le greffier procède à une confusion entre l’intégrité de l’acte et l’intégrité de la copie. A suivre le raisonnement du greffier, la copie remettrait en cause l’intégrité de l’acte original (ce qui serait absurde). L’intégrité de l’acte est bien garantie puisque la plateforme le certifie sur l’acte électronique dont la copie fait mention. Le raisonnement du greffier est tout simplement contraire aux dispositions de l’article 1379 qui assimile la copie fiable à un original sans faire de distinction entre une signature manuscrite et une signature électronique. Nous ne comprenons pas non plus en quoi la copie voire l’original d’un acte signé manuscritement permettrait de rattacher avec plus de certitude l’acte à son auteur (sauf à être expert en graphologie auprès d’une cour d’appel) contrairement à une copie d’un acte signé électroniquement. Au contraire, le certificat de preuve délivré en même temps que l’acte électronique permet de rattacher avec une plus grande fiabilité l’acte à son auteur avec la référence de l’acte, le courriel et le numéro de portable qui y sont mentionnés (voir à ce titre, un arrêt de la cour d’appel de Riom, 8 décembre 2021, n° 19/02282 : “La [banque] […] pour prouver la signature électronique de M. A., présente une 'Enveloppe de preuve ' établie le 10 octobre 2017 au nom de X OpenTrust, marque commerciale de la SA Keynectis, et indiquant : 'Ce fichier de preuve permet d'attester de la signature électronique du (ou des) document(s) du type 'Default variant service' par le(s) signataire(s) désigné(s) ci-après : [M.] A. ([...]) a signé le 6 octobre 2017 05:39:08 CEST - référence transaction associée 2FNETHE0-SERVID01-SERVID01---20171006053736-WSBFFAV9AW2XN948'. Le document mentionne également à la rubrique 'authentification du signataire' que celui-ci s'est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par le service Protect&Sign® pas SMS au numéro de téléphone 0671152220. Le service Protect&Sign® a vérifié l'égalité entre le code saisi par l'utilisateur et le code transmis. […]”). Il conviendrait que la Chancellerie donne des instructions ou que le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés rende un avis éclairé pour débloquer cette situation contraire à la volonté du pouvoir exécutif et législatif et avancer vers une société numérique plus efficiente.

En réalité, la question est, des lors que la production d’un original est requise par un texte, la copie fiable d’un acte signé électroniquement est-elle admise c’est-à-dire a-t-elle la même valeur juridique qu’un original ? Force est de constater que si la copie fiable à la même force probante, cela ne signifierait pas qu’elle équivaut à un original lorsqu’un texte l’exige (voir par exemple l’exposé des motifs de l’amendement qui deviendra l’article 658, I ,2° du code général des impôts).

Voir également notre article : Acte sous signature privée signé par signature électronique : l'apposition d'un paraphe et d'une signature est-elle nécessaire (C. civ., 1367, D. 71-941) ?

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris