La clause de hold harmless ("HH") en droit français (“tenir indemne”).

Les praticiens du droit anglo-saxon connaissent bien la clause de “hold harmless” dite “HH”. Elle consiste à décharger (“absolve”) une partie à un contrat de toute responsabilité résultant des dommages ou autres conséquences résultant d’une “prestation” (au sens ici de l’article 1163 du code civil) du contrat. Elle entraîne donc comme conséquence une “indemnisation” de cette “partie déchargée” par l’autre partie si sa responsabilité venait à être recherchée ou si elle venait à être condamnée. Elle équivaudrait à une clause indemnitaire (“indemnify”).

Toutefois, certaines juridictions anglo-saxonnes feraient une distinction avec la clause indemnitaire qui serait “active” (permet de demander une indemnisation) alors que la clause de hold harmless ne serait que “passive” (ne pas être recherché en responsabilité). On retrouve parfois pourtant la redondance suivante “indemnify and hold harmless” ou les termes “indemnified party”. Dans ce contexte, “indemnify” ne signifierait pas “indemniser” mais “couvrir” ou “protéger”.

A noter : pour le sens des termes anglais “losses, liabilities, claims, or causes of action” que l’on retrouve dans les clauses HH et que l’on pourrait considérer comme redondants, voir les sens précis de chacun de ces termes proposé dans cet article.

On traduit souvent in extenso dans les contrats en langue française les termes “hold harmless” par les termes “tenir indemne”.

A noter : une autre traduction plus juste serait “tenir quitte et indemne” (Cour de cassation, 9 janvier 2019, n° 17-19.899).

Est-ce seulement un concept anglo-saxon introduit en droit français ?

Rappelons que la clause a pour objet, en cas d’action d’un tiers à l’encontre d’une partie, de la décharger de toutes les conséquences de cette action (la partie déchargée). Du fait de l’effet relatif des contrats en droit français (1199 du code civil), l’action du tiers est nécessairement une action extra contractuelle, donc essentiellement délictuelle.

Au vu de son objet, la clause s’analyserait donc en droit français comme une décharge de responsabilité délictuelle (certains la classent pourtant dans les clauses de garantie). La traduction plus correcte ne serait pas “tenir indemne” mais “décharger de toute responsabilité” ou plus précisément “exonérer de toute responsabilité” (voir Cour de cassation, 8 juillet 2009 n° 08-16.025).

Dans les faits, la clause traite de deux hypothèses : la partie exonérée contre qui agit le tiers est coresponsable à son égard ou ne l’est pas.

Dans la seconde hypothèse (absence de responsabilité), la clause ne fait que rappeler le principe selon lequel la partie exonérée peut réclamer auprès de son cocontractant la réparation des préjudices subis du fait des conséquences de la faute de ce dernier. La clause a, dans ce cas, pour principal objet l’accord des parties sur les préjudices indemnisables en les listant.

Dans la première hypothèse (responsabilité de la partie exonérée), la clause peut être analysée différemment selon que la partie exonérée est coresponsable ou entièrement responsable.

Dans le premier cas (coresponsabilité de la partie exonérée), la clause a pour effet d’entraîner la renonciation d’une partie à agir contre une autre. Il ne s’agit donc pas, entre parties, d’une clause d’indemnisation d’une partie par une autre partie, mais de renonciation par une partie à invoquer une éventuelle coresponsabilité à l’encontre d’une autre partie. Il s’agit de la renonciation à un éventuel droit de recours contre l’autre partie (faute partagée). En d’autres termes, l’obligation d’une partie de prendre en charge (ou rembourser) les condamnations obtenues par le tiers (et les coûts associés) contre la partie exonérée.

Dans le second cas (responsabilité exclusive de la partie exonérée), la clause a pour effet de transférer les effets de la responsabilité à l’égard du tiers sur le cocontractant. La clause pourrait s’analyser en un accord “analogue à un contrat d’assurance” (c’est-à-dire un contrat aléatoire, voir les anciennes dispositions de l’article 1964 du code civil), le cocontractant s’engageant à prendre en charge l’intégralité des conséquences de la responsabilité délictuelle qui serait engagée par un tiers à l’encontre de la partie exonérée (Cour de cassation, 29 mars 1962, Bull. n° 360).

Au final, il s’agit donc d’une clause de “gestion”/répartition/couverture des conséquences de la mise en jeu par un tiers de la responsabilité délictuelle des parties à un contrat. Cette gestion entraîne la prise en charge ou le remboursement des sommes qui seraient engagées ou supportées par la partie dont la responsabilité a été exonérée. Elle revient donc à neutraliser économiquement les conséquences de la non-opposabilité à l’égard des tiers de l’exonération/transfert de repsonsabilité. C’est la matérialisation économique de la répartition/transfert fictif de responsabilité à l’égard des tiers souhaitée entre les parties.

Il ne s’agit donc pas, selon nous, ni d’une clause indemnitaire, ni d’une garantie ou sûreté mais le traitement contractuel des conditions et effets de la responsabilité délictuelle envers les tiers.

Si la clause exonératoire de responsabilité est inefficace à l’égard des tiers (sur la base de l’effet relatif des conventions : Cour de cassation, 15 juin 1994, n° 98-18.048 ; et sur la base de l’ordre public : Cour de cassation, 17 février 1955, n° 55-02.810) elle est admise dans les rapports entre les parties (Cour de cassation, 29 mars 1962, Bull.. n° 360) pour autant qu’elle ne concerne que la responsabilité délictuelle à l’égard des tiers et non entre les parties elles-mêmes (Cour de cassation,28 novembre 1962, Bull. n° 755).

Cette clause est à manier avec prudence, notamment quant aux conséquences à l’égard de l’assureur de la partie qui exonère l’autre partie de sa repsonsabilité. Il peut en effet s’agir d’un élément devant être déclaré à l’assureur du fait de l’augmentation du risque par la suppression du recours subrogatoire. En l’absence d’information de l’assureur de cette suppression, celui-ci pourrait en effet se décharger de ses obligations soit en demandant le remboursement des indemnités payées soit en refusant de les payer (L. 121-12 du code des assurances). Il est donc préférable d’en informer l’assureur. Inversement, à l’égard de l’assureur de la partie qui a été exonérée, la renonciation à recours n’emporte pas renonciation de plein droit à son égard car la partie qui renonce dispose d’une action directe contre l’assureur de la partie exonérée (Cour de cassation, 30 mai 1995, n° 92-14.285 et 17 mars 1998, n° 96-12.249), c’est la raison pour laquelle la renonciation contre l’assureur de la partie exonéré est également souvent stipulée (notamment dans les baux).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris