Qu'est-ce que l'état de cessation des paiements (L. 631-1) ?

Il existe de très nombreux textes faisant référence à l’état de cessation des paiements (L. 611-4, L. 620-1, L. 628-5, absence d’état de cession des paiements pour l’ouverture d’une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de sauvegarde accélrée accélérée ; L. 631-4 : délai pour demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire dit “dépôt de bilan”, L. 632-2 : annulation de certains actes durant la période suspecte ; L. 631-6 et L. 640-6 : révélation de l’état de cessation des paiements par les membres du comité social et économique, etc.).

La cessation des paiements est définie comme « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec [l’]actif disponible » (L. 631-1 ; Cour de cassation, 14 février 1978, n° 76-13.718).

A noter : la cessation des paiements ne concernerait pas que les dettes professionnelles malgré les dispositions de l’article L. 631-1 (voir L. 631-3 et L. 631-5 qui visent les créances “quelle que soit [leur] nature”).

Le passif exigible

Les créances prises en compte pour le passif doivent être certaines (déterminées dans leur principe et leur montant), liquides (évaluables en argent) et exigibles (c’est-à-dire échues, les sommes pouvant être réclamées).

A noter : un titre exécutoire n’est pas nécessaire (Cour de cassation, 28 juin 2017, n° 16-10.025).

Une créance litigieuse ne présente pas le caractère de certitude quand bien même elle serait assortie d’une exécution provisoire (Cour de cassation, 25 mars 2020, n° 18-21.849 ; 2 mars 2022, n° 20-22.021 ; 13 septembre 2023, n° 22-10.211).

Le passif n’a pas à être exigé (Cour de cassation, 17 juin 1997, n° 95-13.056 ; contra un moment Cour de cassation, 28 avril 1998, n° 95-21.969) sauf dans l’hypothèse où le débiteur bénéficierait d’une réserve de crédit ou de moratoire et que ces créanciers auraient exigé leur créance (Cour de cassation, 15 février 2011, n° 10-13.625).

A noter : les avances en compte courant qui ne sont pas exigées ne sont pas exigibles de plein droit, de même pour les avances en compte courant qui sont bloquées (Cour de cassation, 10 janvier 2012, n° 11-10.018).

L’actif disponible

L’actif disponible est constitué (voir l’article L. 232-2) de l’actif immédiatement disponible (disponibilités en caisse et auprès d’établissement de crédit non saisies, chèque de banque non prescrit) ou très rapidement (quelques jours) réalisable (bons du Trésor ou titres de portefeuilles, créances arrivant immédiatement à terme, payables à vue et certaines ou recouvrables aisément et rapidement, effets de commerce à vue, échus ou escomptables).

A noter : les apports en compte courant peuvent être pris en compte (Cour de cassation, 24 mars 2004, n° 01-10.927) pour autant qu’ils ne soient pas anormaux (Cour de cassation, 13 juin 1989, n° 87-20.204 ; 17 mai 2011, n° 10-30.425), la normalité s’appréciant au regard de la situation économique et financière du débiteur bénéficiaire du concours (Cour de cassation, 19 février 2013, n° 12-12.165 : 1 juillet 2020 n° 19-12.068).

La réserve de crédit et tout moratoire conclu avec un créancier est également pris en compte(L. 631-1 précité).

En revanche, ne sont pas pris en compte les objets mobiliers (Cour de cassation, 6 mars 1990, n° 88-15.408 ; 22 janvier 2002, n° 99-13.802) ni les actifs réalisables à court terme tels que les actifs non encore vendus (Cour de cassation, 15 février 2011, n° 10-13.625 ; 17 juin 2020, n° 18-22.747).

Caractérisation de l’état de cessation des paiements

Les juridiction ne doivent pas seulement constater un passif exigible (Cour de cassation, 25 février 1997, n° 95-18.607; 14 mars 2018, n° 16-27.187 ; 30 janvier 2019, n° 17-20.910) ou un actif disponible, encore faut-il qu’elles caractérisent l’état de cessation de paiement c’est-à-dire que le passif exigible soit supérieur à l’actif disponible (cour d’appel de Paris, 3 mars 2018, n° 17/11063).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris