La Finance durable (émissions obligataires et de dette) : obligations vertes, sociales, durables, liées au développement durable

Le présent article a pour objet de comparer les différentes formes de titres de dette de la finance dite “durable” (sustainable finance). Cette comparaison est fondée sur de la soft law (ou droit souple), principalement des “lignes directrices d’application volontaire”, et non sur des règles de droit impératives.

A noter : le terme anglais sustain (et ses dérivés sustainable, sustainability) vient du vieux français “soustenir” qui lui-même vient du latin sustinere (empêcher d’agir, arrêter mas aussi soutenir c’est-à-dire faire quelque chose de dure sans défaillance).

A noter : le droit des sociétés se réfère également au développement durable avec l’introduction depuis une loi de 2001 (art. 116) de l’article L. 225-102-1 du code de commerce.

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PRINCIPES GENERAUX

La distinction des obligations durables et des obligations liées au développement durable

Les titres de dette de la finance durable peuvent être classés en deux catégories : d’une part, les obligations durables au sens large qui regroupent les obligations vertes (green bonds), les obligations sociales (social bonds) et les obligations durables (sustainability bonds) (obligations vertes et sociales à la fois), et d’autre part les titres de dette liés au développement durable (sustainability-linked bonds).

A noter : on remarquera donc la différence de terminologie employée. Alors que pour les obligations durables au sens large seul le terme “obligations” est utilisé, pour les “obligations” liées au développement durable, tous les types d’instruments financiers sont visés (il s’agit peut-être d’une évolution des principes qui s’appliquera aux obligations durables au sens large). C’est la raison pour laquelle, nous mettrons par la suite entre guillemets le terme “obligations” s’agissant des obligations liées au développement durable (car il ne s’agit pas uniquement d’obligations).

La distinction fondamentale entre les deux catégories est la suivante : alors que les fonds résultant de l’emisssion des obligations durables, au sens large, sont affectés exclusivement à des projets spécifiques, les fonds résultant de l’emission des “obligations” liées au développement durable sont utilisés pour des besoins généraux l’émetteur devant atteindre des objectifs de développement (performance) durable. Affectation spéciale d’un côté (sorte de droit réel), objectifs de l’autre (engagements). Mais une approche combinée (affectation spéciale et objectifs) est possible pour les “obligations” liées au développement durable.

Une autre distinction est celle de la finalité. Alors que les obligations durables au sens large ne concernent que des objectifs environnementaux et sociaux, les “obligations” liées au développement durable concernent également des objectifs en matière de gouvernance.

Les souscripteurs peuvent être des investisseurs, établissements financiers, souscripteurs particuliers, intermédiaires, autres participants.

Les principes généraux des obligations durables

Les obligations durables au sens large (obligations vertes, sociales et durables) ont deux principales caractéristiques communes :

1° Une finalité particulière, c’est-à-dire que les fonds sont affectés exclusivement à une finalité particulière (les projets éligibles) : voir ci-dessous.

2° Un principe de transparence vis-à-vis des investisseurs (souscripteurs ou porteurs) fondé sur quatre principes clés qui qualifient les obligations (à défaut celles-ci ne peuvent avoir la qualification souhaitée). L’émetteur (la société) doit communiquer sur l’utilisation des fonds ainsi perçus permettant de suivre les projets et d’évaluer leur “bénéfice” environnemental et/ou social (impact) selon ces quatre principes clés : utilisation des fonds (description précis des projets dans la documentation d’émission), processus de sélection et évaluation des projets (objectifs, modalités de sélection, critères d’éligibilité, normes ou certifications visées), gestion des fonds (affectation spéciale dans un sous-compte ou auprès d’un tiers séquestre par exemple, règles applicables à la gestion temporaire des fonds non utilisés) et reporting (dossier d’information sur les projets, l’utilisation des fonds et la performance qualitatif et quantitatif des investissements). Les informations doivent bien entendu être précises et sincères.

A noter : les émissions qui ne respectent pas les principes clés quant bien même elles auraient une finalité écologique et/ou sociale ne peuvent pas être assimilées aux obligations dont la qualification est recherchée (obligation verte, sociale ou durable).

Il existe différents types d’obligations durables au sens large : les obligations classiques (dette émise par l’émetteur), les obligations garanties par les revenus, obligations “traçantes” (sur un projet uniquement), les obligations titrisées, sécurisée ou adossée à des actifs.

Les principes généraux des obligations liées au développement durable

Les obligations liées au développement durables, qui regroupent “tous types d’instruments financiers”, ont pour principale caractéristique d’inciter l’émetteur à atteindre des objectifs (targets) consistant en l’amélioration de ses résultats dans le développement durable (instruments prospectifs) sur la base d’indicateurs de performance (performance indicators) .

Au même titre que les obligations durables au sens large, les “obligations” liées au développement durable reposent sur un principe de transparence vis-à-vis des investisseurs (souscripteurs ou porteurs) fondé sur cinq principes essentiels : une sélection et définition des indicateurs clés de performance (KPI) qui doivent être pertinents et essentiels par rapport au secteur industriel de l’émetteur et être sous son contrôle, un calibrage et une définition des objectifs de performance de développement durable (SPT) qui doivent être significatifs et comparables et suivre un calendrier, les caractéristiques des obligations (variation proportionnée et significative des caractéristiques financières et/ou structurelles), un reporting (dossier d’information sur les indicateurs, sur les objectifs et le calendrier) et une évaluation externe.

Les principes généraux applicables aux deux catégories

Les obligations durales au sens large et les “obligations” liées au développement durable reposent sur une même exigence de “haut niveau de transparence” par une évaluation externe (vérification) et sa publication de l’application des principes clés ou essentiels qui leur sont applicables. L’application des principes doit en effet être couplée avec une revue externe (et sa publication) par un tiers qualifié et généralement indépendant sur notamment le mode d’évaluation et de sélection des projets ou des indicateurs clés (ou de leurs changements), les modalités de traçage et d’affectation des fonds ou l’atteinte des performances. La revue externe peut consister en un avis d’expert indépendant (seconde opinion) et/ou un contrôle par un tiers indépendant et/ou une certification et/ou une notation/évaluation par un tiers qualifié.

PRINCIPES SPÉCIFIQUES

Les obligations vertes (green bonds)

La finalité

Les obligations vertes ou green bonds ont pour finalité exclusive et principale le financement (ou refinancement), partiellement ou totalement, de projets (sous-jacents ou investissements) ayant un caractère écologique (projets éligibles) par l’affectation (allocation) des fonds de l’émission obligataire à ces projets.

A noter : les obligations qui ont une finalité à la fois écologique et sociale sont classées dans les obligations durables (voir ci-dessous). La classification entre une obligation verte ou une obligation durable dépend des objectifs principaux du ou des projets.

Les projets éligibles

Les projets sont éligibles suivant leur “bénéfice” environnemental (objectif) : atténuation du changement climatique (e.g., énergies renouvelables, efficacité énergétique, moyens de transports propres), adaptation au changement climatique (e.g. système d’aide à l’information), préservation des ressources naturelles (e.g., production d’énergie par transformation des déchets, produits durables, mode d’emballage), préservation de la biodiversité (e.g., agriculture bio, pratique durable de la pêche) et prévention et maîtrise de la pollution (e.g., réduction des rejets, des déchets, gestion de l’eau et des eaux usagées, label écologique).

Les obligations sociales (social bonds)

La finalité

Les obligations sociales ou social bonds ont pour finalité exclusive et principale le financement (ou refinancement), partiellement ou totalement, de projets (investissements) ayant des effets sociaux positifs (projets éligibles) par l’affectation (allocation) des fonds de l’émission obligataire à ces projets.

A noter : les obligations qui ont une finalité à la fois écologique et sociale sont classées dans les obligations durables (voir ci-dessous). La classification entre une obligation sociale ou une obligation durable dépend des objectifs principaux du ou des projets.

Les projets éligibles

Les projets sont éligibles suivant leur “bénéfice” social (impact) c’est-à-dire les projets qui visent à :

  • résoudre ou atténuer un problème social spécifique : accès à des infrastructures (e.g., eau, assainissement, transport, énergie) ou des services de base (e.g., santé, éducation, formation professionnelle), au logement, à l’emploi, etc.; et/ou à

  • obtenir des résultats sociaux positifs spécifiques en faveur, mais pas exclusivement, d’une ou plusieurs populations cibles qui peut être le grand public : population vivant sous le seuil de pauvreté, exclue et/ou marginalisée, et/ou vulnérable, etc.

Les obligations durables (sustainability bonds)

La finalité

Les obligations durables ou sustainability bonds ont pour finalité exclusive et principale le financement (ou refinancement), partiellement ou totalement, de projets (sous-jacents ou investissements) ayant un caractère écologique et des effets sociaux positifs (projets éligibles) par l’affectation (allocation) des fonds de l’émission obligataire à ces projets.

Les projets éligibles

Voir les projets éligibles pour les obligations vertes et sociales.

Les obligations liées au développement durable (sustainability-linked bonds)

Les obligations (titres de dette) liées au développement durables ou sustainability-linked bonds sont des titres de dette dont les caractéristiques financières et/ou structurelles varient selon l’atteinte d’objectifs prédéfinis (engagements de l’émetteur sur l’amélioration de ses résultats) liés au développement durable.

Les objectifs sont mesurés au moyen d’indicateurs clés de performance (key performance indicators ou KPI) et évalués par rapport à des objectifs de performance de développement durable (sustainability performance targets ou SPT).

A noter : la documentation d’émission doit prévoir les “mécanismes de replis” (fallback) pour le cas où les SPT ne pourraient pas être calculés ou observés ou de résolution en cas d’événements exceptionnels ou de changements significatifs (MAC).

LE LABEL “OBLIGATION VERTE EUROPÉENNE” ou “EuGB”

Le règlement (UE) 2023/2631 du 22 novembre 2023 a créé un label “obligation verte européenne” ou “EuGB”.

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Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris