Toutes les loteries commerciales ne sont pas autorisées : pour mettre fin à une confusion (C. cons., L. 121-20, C.S.I., L. 320-1)

Les loteries commerciales ou plus exactement publicitaires ou promotionnelles se définissent aujourd’hui comme "des pratiques commerciales mises en œuvre par les professionnels à l'égard des consommateurs, sous la forme d'opérations promotionnelles tendant à l'attribution d'un gain ou d'un avantage de toute nature par la voie d'un tirage au sort, quelles qu'en soient les modalités, ou par l'intervention d'un élément aléatoire”(L. 121-20 du code de la consommation).

Ce régime trouve son origine dans l’article 5 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l'information et à la protection des consommateurs ainsi qu'à diverses pratiques commerciales, codifié en 1993 à l’article L. 121-36 du code de la consommation. Le texte était sans équivoque : “Les opérations publicitaires réalisées par voie d'écrit qui tendent à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants, quelles que soient les modalités de tirage au sort, ne peuvent être pratiquées que si elles n'imposent aux participants aucune contrepartie financière, ni dépense sous quelque forme que ce soit.”

L’article L. 121-36 sera modifié en 2011 notamment pour réglementer les opérations avec obligation d’achat (rédaction de 2011). En 2014, le régime est complété pour déterminer notamment les “sacrifices financiers” autorisés (L. 236-36-1).

Le régime était donc clair. Les loteries nécessitant un sacrifice financiers étaient interdites en application de la loi de 1836 codifiée en 2012 aux articles L. 322-1 et suivants du code de la sécurité intérieure (à l’exception de la Française des jeux qui disposait d’un monopole et de certaines loteries de petits lots), celles qui étaient “gratuites” (avec un sacrifice financier minime) pouvaient être organisées en “opération publicitaire”.

La codification de 2016, simplifiera le régime avec le nouvel article L. 121-20 précité. Malheureusement, ni le rapport au président de la République sur l’ordonnance de codification, ni les travaux parlementaires de la loi de ratification de l’ordonnance ne donneront d’explications sur la notion de “loterie publicitaire” ou “opérations promotionnelles” et notamment si elle nécessite toujours l’absence d’un sacrifice financier. Cette notion était en effet supprimé lors de la codification. Cela signifiait-il que les loteries commerciales pouvaient désormais requérir un sacrifice financier ?

Par dérogation à la loi précitée de 1836, seule la loterie nationale devenue La Française des jeux a le droit d’exploiter des jeux de loterie en réseau physique et en ligne (article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 puis, depuis 2019, article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises). Toute autre entité tombe sous le coup de l’interdiction générale des jeux de hasard et d’argent et des loteries. Le principe ne peut pas être plus clair : “Sous réserve des dispositions de l'article L. 320-6, les jeux d'argent et de hasard sont prohibés.” (nouvel article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure) et “Nul ne peut vendre ou exporter, par quelque moyen que ce soit, ces jeux de loterie ni exploiter d'une quelconque façon leurs résultats sans l'autorisation préalable de la personne morale unique mentionnée à l'article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 précitée.” (L. 322-12). Selon l’article L. 320-6, peuvent être autorisés “3° L'exploitation de jeux de loterie soumis à un régime de droits exclusifs, conformément aux dispositions du chapitre II ter du présent titre ;” et “7° Les opérations publicitaires mentionnées à l'article L. 121-20 du code de la consommation.”.

A noter : la différence de rédaction entre les deux opérations est importante. Dans la première il s’agit de l’”exploitation” de jeux de loterie (opération principale de l’entreprise, dont seul un opérateur unique -Le Française des jeux- est autorisé à le faire), dans la seconde, il s’agit d”opération publicitaires” (opération accessoire à une activité principale autre que l’exploitation de loterie). On retrouve ce caractère “accessoire” pour certains jeux autorisés comme les jeux des programmes télévisés et radiodiffusés ou les publications de presse (L. 322-7), la loi exigeant que “Ces jeux et concours ne peuvent constituer qu'un complément aux[…] programmes et publications”.

On remarquera que le législateur prend soin de ne pas qualifier les opérations du code de la consommation de “loteries commerciales” pour ne pas créer de confusion. Le code de la sécurité intérieure les qualifie d’”opérations publicitaires” alors que le code de la consommation les qualifie d’”opérations promotionnelles” (voir toutefois le titre les qualifiant de “loteries publicitaires”).

Il convient donc de savoir ce que l’on entend par opérations publicitaires ou opérations promotionnelles. Or, les termes se suffisent à eux-même. Il s’agit d’opérations visant à faire connaître (publicité) ou promouvoir (promotionnel) un produit ou un service. Ce sont donc des opérations accessoires à la vente d’un bien ou d’un service ou en vue de favoriser cette vente. Cette interprétation est confirmée par l’origine des textes (qui excluait tout sacrifice financier ou qui réglementait les opérations avec obligation d’achat) mais surtout par la réglementation européenne. On peut ainsi lire dans le 16è considérant de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») la distinction fondamentale suivante : “(16) L'exclusion des activités de jeux d'argent du champ d'application de la présente directive couvre uniquement les jeux de hasard, les loteries et les transactions portant sur des paris, qui supposent des enjeux en valeur monétaire. Elle ne couvre pas les concours ou jeux promotionnels qui ont pour but d'encourager la vente de biens ou de services et pour lesquels les paiements, s'ils ont lieu, ne servent qu'à acquérir les biens ou les services en promotion.”.

Les “loteries commerciales” doivent donc demeurer une opération promotionnelle. Elles ne peuvent être organisées comme une opération principale ou devenir l’activité principale d’une entreprise.

Écrire, comme on le lit trop souvent, que toutes les loteries commerciales seraient autorisées dès lors qu’elles ne constitueraient pas une pratique commerciale déloyale est une aberration au vu des textes généraux sur l’interdiction des jeux de hasard et d’argent en France.

La Cour de cassation ne s’y est pas trompée dans un arrêt de 2018 aux termes duquel l’entreprise invoquait que l'opération “qui a pour objet et pour effet de mettre en avant la marque et les produits” de son entreprise “constitue une pratique commerciale et publicitaire au sens de la directive 2005/29/CE” et “que les pratiques commerciales sont par principe licites dès lors qu'elles ne sont pas déloyales”. La Cour de cassation rappelle que le considérant 9 de la directive 2005/29/CE du 17 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur précise que “ses dispositions s'appliquent sans préjudice des règles communautaires et nationales relatives aux régimes d'autorisation, notamment, les règles qui, conformément au droit communautaire, concernent les activités de jeux d'argent”. La Cour de cassation en conclut que les dispositions législatives et réglementaires nationales de police qui régissent les jeux d'argent ne sauraient être écartées au motif que la pratique en cause ne relèverait pas des dispositions de la directive précitée et ne serait donc pas prohibée par les dispositions de celle-ci. Or, la cour d’appel a rappelé justement qu'entrent dans le champ de la prohibition les loteries qui réunissent les quatre caractéristiques suivantes, une offre au public, l'espérance d'un gain, l'intervention du hasard et, enfin, une participation financière exigée par l'opérateur quelle qu'en soit sa forme. Ayant constaté que l’opération portait sur un jeu de hasard suscitant l'espérance d'un gain, faisait l'objet d'une offre au public au moyen d'une publicité importante, exigeait un sacrifice financier, et qu'il répondait à ces quatre caractéristiques, la cour d'appel, sans avoir à constater que cette pratique était déloyale et sans qu'importe que l’entreprise exploite un service en ligne agréé par l'ARJEL, en a exactement déduit que cette entreprise ne respectait pas la réglementation applicable (Cour de cassation, 29 janvier 2020, n° 18-22.137).

Sont donc seules autorisées les opérations promotionnelles, c’est-à-dire celles qui encouragent la vente de biens ou services de l’entreprise qui organise la loterie dès lors que le consommateur ne subit aucun sacrifice financier si le hasard intervient, la notion de sacrifice financier pouvant s’interpréter à l’aune des anciens textes ainsi que celle relative à l’obligation d’achat.

Rappelons qu’en cas de violation de la législation sur les jeux de hasard et d’argent, les conséquences peuvent être lourdes : outre la condamnation sur le plan pénal de l’entrepreneur et de ses dirigeants s’il s’agit d’une personne morale (peine de prison, amende, peines accessoires comme l’interdiction de gérer ou la dissolution de la personne morale, la confiscation de l’objet ou des produits du délit), sur le plan civil, les contrats seraient nuls et l’entrepreneur pourrait être contraint de restituer aux consommateurs toutes les sommes perçues de manière illicite et être également condamné à des dommages et intérêts soit à la demande des consommateurs (action individuelle ou de groupe) soit à la demande d’associations de consommateur.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris