Le régime juridique des fusions applicable selon la forme des sociétés participantes (SARL, SAS, SA, SCI, SNC, société en commandite simple ou par actions)

Question : quel est le régime juridique des fusions applicable selon la forme des sociétés parties à l’opération ?

Réponse : le régime juridique français des fusions découle principalement de la réglementation européenne. Or, cette réglementation ne prévoit pas un régime de fusion de droit commun pour l’ensemble des sociétés des Etats de l’Union européenne. Il en ressort en droit interne un patchwork de régime selon la forme des sociétés parties aux opérations.

Le droit français connaît en effet, pour des raisons historiques, une multitude de formes de sociétés que l’on peut classer en deux groupes. Les sociétés civiles (notamment la société civile immobilières dite SCI) et les sociétés commerciales, notamment : société en nom collectif (SNC), société en commandite simple, société en commandite par actions (“SCA”), société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA), société par actions simplifiée (SAS).

Nous détaillons les différentes hypothèses selon les deux groupes et sociétés précités.

FUSIONS ENTRE SOCIETES DE MEME FORME

1° Fusion entre sociétés civiles uniquement

Le régime juridique applicable est celui du droit commun de l’article 1844-4 du code civil. Les dispositions générales du code de commerce de la sous-section 1 ne sont pas applicables à cette opération (voir notre article).

A noter : lorsque toutes les sociétés civiles, parties à la fusion, sont soumises à l’impôt sur les sociétés, elles peuvent bénéficier du régime dit “spécial” des fusions (BOI-IS-FUS-10-20-20, §. 1). En revanche, à défaut de textes spécifiques, la rétroactivité fiscale (et comptable) ne pourrait s’appliquer à ces opérations de fusion (voir en ce sens, concernant la dissolution-confusion dite transmission universelle du patrimoine (TUP), les lettres du Garde des Sceaux au président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes du 10 avril 2003 et au délégué général de l'Association nationale des sociétés par actions du 27 avril 2004 : “« [... ] la rétroactivité n'a qu'un caractère exceptionnel dans notre droit et ne se préjuge pas [...] et [...] qu'il n'y a pas de rétroactivité sans texte [...]"). En revanche, le traité de fusion pourrait stipuler une date d’effet différé conformément aux stipulations de l’article 1305 du code civil.

2° Fusion entre sociétés commerciales de même forme

Il s’agit des fusions faisant intervenir des sociétés ayant chacune la même forme sociale (fusions entre SARL, entre SA, entre SAS, entre SCA, entre SNC, entre sociétés en commandite simple).

A noter : lorsque toutes les sociétés commerciales, parties à la fusion, sont soumises à l’impôt sur les sociétés, elles peuvent bénéficier du régime dit “spécial” des fusions (BOI-IS-FUS-10-20-20, §. 1). Par ailleurs, en application des dispositions communes de l’article L. 236-4 du code de commerce, la rétroactivité fiscale (et comptable) peut s’appliquer à ces opérations de fusion comme l’effet différé.

Fusion entre sociétés à responsabilité limitée (SARL) uniquement

Le régime applicable est prévu par l’article L. 236-8, alinéa 2 du code de commerce. Il s’agit de la sous-section 2 (articles L. 236-8 à L. 236-27) à l’exception de l’article L. 236-9 du code de commerce (compétence de l’assemblée générale extraordinaire, assemblées spéciales, rapport de l’organe de gestion et de direction, délégation de compétence à l’orge de gestion et de direction, etc.).

Les règles de droit commun de la fusion entre sociétés commerciales de la sous-section 1 (L. 236-1 à L. 236-7) leur sont applicables sauf si elles sont contraires aux dispositions de la sous-section 2.

A noter : il s’agit essentiellement des dispositions de la sous-section 1 qui sont contraires au régime des fusions simplifiées et quasi-simplifiées.

Lorsque la société absorbante détient l’intégralité des parts de la société absorbée ou au moins 90 % des parts de la société absorbée, le régime simplifié (L. 236-11) ou quasi-simplifié (L. 236-12) s’applique à l’opération.

A noter : lorsqu’il y a plusieurs SARL absorbées, dès lors qu’une des sociétés n’est pas détenue à 100 %, seul le régime quasi-simplifié s’appliquerait à l’ensemble de l’opération (voir les termes de l’article L. 236-12).

Fusion entre sociétés par actions de même forme (SA, SAS, SCA) uniquement

Le régime applicable est prévu par l’article L. 236-8, alinéa 1 du code de commerce. Il s’agit de la sous-section 2 (articles L. 236-8 à L. 236-27).

A noter : il s’agit donc de fusions faisant intervenir uniquement des sociétés anonymes (SA) ou des société par actions simplifiées (SAS) ou des sociétés en commandite par actions (SCA). Si l’opération fait intervenir des sociétés par actions de forme différentes (exemples : fusion entre SAS et SAS, ou entre SA et SCA, ou entre SAS et SCA, voir ci-dessous les opérations entre sociétés de formes différentes.

Les règles de droit commun de la fusion entre sociétés commerciales de la sous-section 1 (L. 236-1 à L. 236-7) leur sont applicables sauf si elles sont contraires aux dispositions de la sous-section 2.

A noter : il s’agit essentiellement des dispositions de la sous-section 1 qui sont contraires au régime des fusions simplifiées et quasi-simplifiées.

Lorsque la société absorbante détient l’intégralité des parts de la société absorbée ou au moins 90 % des parts de la société absorbée, le régime simplifié (L. 236-11) ou quasi-simplifié (L. 236-12) s’applique à l’opération.

A noter : lorsqu’il y a plusieurs sociétés par actions absorbées, dès lors qu’une des sociétés n’est pas détenue à 100 %, seul le régime quasi-simplifié s’appliquerait à l’ensemble de l’opération (voir les termes de l’article L. 236-12).

Fusion entre sociétés en nom collectif (SNC) ou entre sociétés en commandite simples uniquement

Le régime applicable est le régime de droit commun du code civil (voir ci-dessous le régime des fusions entre sociétés civils) et celui de la sous-section 1, à l’exclusion des dispositions de la sous-section 2 (fusions comportant la participation de sociétés par actions ou de SARL).

A noter : cela signifie donc notamment que le régime des fusions simplifiées et quasi-simplifiées ne peut s’appliquer à l’opération.

FUSIONS ENTRE SOCIETES DE FORMES DIFFERENTES

Il s’agit des fusions faisant intervenir des sociétés ayant chacune une forme sociale différente (exemples : fusions entre une SARL et une SAS, fusion entre une SA et une SAS, fusion entre une SCA et une SAS, fusion entre une SAS et une SNC, fusion entre une société civile et une SNC, etc.).

On peut distinguer les fusions entre sociétés commerciales (qui elles-mêmes regroupent deux types de sociétés : les sociétés dites de capitaux et les sociétés de personnes) et les fusions entre sociétés commerciales et sociétés civiles.

1° Fusions entre sociétés commerciales

Fusion entre SARL et sociétés par actions

Le régime applicable est le même que celui des fusions entre SARL uniquement (L. 236-8, alinéa 2 du code de commerce).

A noter : si une des SARL partie à la fusion n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés, l’opération ne peut bénéficier du régime dit “spécial” des fusions (BOI-IS-FUS-10-20-20, §. 1).

Fusion entre sociétés par actions de forme différentes

Le régime applicable est le même que celui des fusions entre sociétés par actions de même forme uniquement (voir ci-dessus).

A noter : il s’agit par exemple d’une fusion entre une SA et une SAS ou entre une SAS et une société en commandite par actions (SCA) ou entre une SA et une SCA.

A noter : ces opérations peuvent bénéficier du régime des fusions dites simplifiées ou quasi-simplifiées.

Fusion entre sociétés commerciales de formes différentes

Le régime applicable dépend des formes des sociétés commerciales parties à l’opération.

Si les sociétés sont toutes des sociétés par actions (exemples : fusion entre une SCA et une SAS, fusion entre une SA et une SAS), c’est le régime des fusions entre société par actions qui s’applique (voir ci-dessus).

Si les sociétés sont à la fois des sociétés par actions et des sociétés de personnes (exemples : fusion entre une SAS et une SNC, fusion entre une SCA et une SARL ou une SNC ou une société en commandite simple, fusion entre une SA et une SNC ou une société en commandite simple), il faut alors distinguer. Si la société de personne est une SARL, alors c’est le régime des fusions entre sociétés par actions et SARL qui s’applique (voir ci-dessus). Si la société de personne n’est pas une SARL (par exemples : un société en nom collectif, société en commandite simple), le régime de droit commun du code civil (voir ci-dessus le régime des fusions entre sociétés civils) et de la sous-section 1 s’appliquent à l’exception des dispositions de la sous-section 2.

A noter : cela signifie donc notamment que le régime des fusions simplifiées et quasi-simplifiées ne peut s’appliquer à l’opération avec une société de personne qui n’est pas une SARL.

2° Fusions entre sociétés commerciales et sociétés civiles

Le régime applicable est celui du droit commun de l’article 1844-4 du code civil. Les dispositions générales du code de commerce ne sont pas applicables à cette opération (voir notre article).

A noter : il s’agit par exemple d’une fusion entre une société par actions (SA, SAS, SCA) et une société civile (SCI par exemple), une SARL et une société civile (SCI par exemple), une SNC ou une société en commandite simple et une société civile (SCI par exemple).

A noter : le régime des fusions dites simplifiées ou quasi-simplifiées bien que prévu pour les sociétés par actions, les SARL et les SCI ne peut s’appliquer à cette opération (voir notre article).

A noter : lorsque toutes les sociétés , parties à la fusion, sont soumises à l’impôt sur les sociétés, elles peuvent bénéficier du régime dit “spécial” des fusions (BOI-IS-FUS-10-20-20, §. 1). En revanche, à défaut de textes spécifiques, la rétroactivité fiscale (et comptable) ne pourrait s’appliquer à ces opérations de fusion.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris

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