Fusion-absorption : parité d'échange, augmentation de capital, prime, boni et mali de fusion (pratique et calculs)

Comment calculer la parité d’échange lorsque la société absorbée détient ses propres parts ou actions ? A quelle date l’évaluation des apports se fait-elle ? Comment calculer l’augmentation de capital et la prime de fusion lorsque la société absorbante détient des parts ou actions de la société absorbée ? Que deviennent les parts ou actions de la société absorbante détenues par la société absorbée (participation croisée, fusion à l’envers) ? Autant de questions pratiques auxquelles nous tentons de répondre dans ce cas pratique.

! Attention ! Entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2023-393 renumérotant les articles du code de commerce sur les fusions (voir notre article), cet article n’a pas encore été mis à jour.

Le présent article part du principe que les sociétés sont sous contrôle commun (cas le plus fréquent) et, pour les exemples, que la mère absorbe sa fille (fusion à l’endroit). Par conséquent, la valeur des actifs apportés se fait à la valeur nette comptable. La fille n’est pas détenue à 100,00 %.

A noter : parmi les vérifications préalables avant une fusion-absorption, il conviendra de ne pas oublier de vérifier, si la fusion est placée sous le régime dit de faveur, l’existence de déficits reportables (ainsi que des charges financières nettes non déduites et la capacité de déduction inemployée) chez l’absorbée et l’absorbante et la nécessité d’obtenir un agrément pour les déficits de l’absorbée (article 209, II, 1 du code général des impôts, sauf dispense d’agrément) ou tout éventuel risque de perte des déficits reportables de l’absorbante en cas de changement d’activité (article 221, 5 du code général des impôts et réponse du 13 avril 2022). La demande d’agrément, même si elle est incomplète, doit, en tout état de cause, être déposée préalablement à l’opération (c’est-à-dire préalablement à la date de l’opération) qui la motive (article 1649 nonies), à défaut, la société serait forclose (BOI-SJ-AGR-20-30-10-10, §. 250). *On entend par date de l’opération la date à laquelle la décision de fusion est décidée par le ou les associés et non la date d’effet fiscal de l’opération stipulée dans le traité de fusion (par exemple en cas d’effet rétroactif : pour un exemple, voir les faits de l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 février 2015, n° 365269 (non rappelé dans l’arrêt mais dans les commentaires) : date d’effet rétroactif de la fusion au 1er janvier 2003, demande d’agrément déposée le 18 décembre 2003, assemblée générale décidant de la fusion le 23 décembre 2003).

1° Valorisation des sociétés, parties à la fusion

Il convient d’abord de déterminer la valorisation (valeur « réelle » et non comptable) de chacune des sociétés parties à la fusion (généralement, le traité de fusion prévoit en annexe les modalités de calcul de cette valorisation).

A noter : la valorisation des sociétés peut se faire sur une valorisation comptable et non « réelle » sous certaines conditions pour être admise fiscalement lorsque l’opération est soumise au régime dit de « faveur » (BOI-IS-FUS-30-20, §. 40). 

A noter : la valorisation d’une société dépendra de son activité. Une holding par exemple n’est pas valorisé de la même manière qu’une société dite opérationnelle. Pour les méthodes de valorisation, voir le guide du ministère de l’économie et le guide de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

La valorisation se fait au moment de l’opération et non ultérieurement.

Exemple : dans notre exemple, la valorisation de la société absorbée S1 sera de 300 000 € et la valorisation de la société absorbante S2 sera de 500 000 €

2° Valeur réelle d’une part ou d’une action

Une fois ces valorisations obtenues, on divise la valeur de la société par le nombre de ses parts ou actions en circulation (voir toutefois les commentaires ci-dessous) ce qui donne une valeur « réelle » de ces parts ou actions pour chaque société partie à l’opération. On parle de « valeur réelle » (valeur de la société/nombre de ses droits sociaux) pour la différencier de la « valeur nominale » (montant du capital social de la société/nombre de ses droits sociaux).

A noter : pour ne pas fausser la parité d’échange (voir ci-après), les parts ou actions détenues par la société absorbante dans la société absorbée ou celles de la société absorbante détenues par la société absorbée, doivent être prises en compte pour le calcul de la valeur réelle ou la valorisation de la société. En revanche, les propres parts ou actions autodétenues par la société absorbée ne devraient pas être prises en compte pour le calcul de la parité (en effet ces droits sociaux devraient être en théorie annulés, la société absorbée ayant vocation à disparaître, elle ne peut, par définition, recevoir des droits sociaux de la société absorbante en échange de ses propres droits sociaux).

A noter : s’il existe des titres qui donnent accès au capital, il faut en tenir compte (calcul sur une base pleinement diluée).

A noter : les actions de préférence ont une parité d’échange spécifique (L. 228-17).

Exemple : soit la société absorbée S1 qui a un capital de 1 000 € divisé en 1 000 parts ou actions (aucune autodétention), alors la valeur « réelle » de la part ou de l’action de S1 est de 300 000/1 000 = 300 €. Soit la société absorbante S2 qui a un capital de 25 000 € divisé en 500 parts ou actions, alors la valeur « réelle » de la part ou de l’action S2 est égale à 500 000/500= 1 000 €.

3° Calcul de la parité d’échange

Une fois la valeur « réelle » d’une part ou d’une action obtenue, on divise la valeur « réelle » de la part ou de l’action de la société absorbée par la valeur « réelle » de la part ou de l’action de la société absorbante. Cela donne la parité d’échange. C’est cette parité qui va déterminer le nombre « théorique » de parts ou d’actions nouvelles à émettre (ou à attribuer) par la société absorbante suite à la fusion-absorption de la société absorbée.

A noter : la société absorbante peut soit émettre de nouvelles parts ou actions soit attribuer ses parts ou actions qu’elle détient déjà (voire les deux options en même temps) au bénéfice des associés de la société absorbée.

Nous indiquons « théorique » car nous verrons que la société absorbante détenant généralement des parts ou actions de la société absorbée, elle peut renoncer à recevoir ses propres parts ou actions (donc une partie de l’augmentation de capital ne sera pas réalisée en cas d’émission de parts ou actions nouvelles).

Exemple : dans notre exemple, valeur de la part ou de l’action de la société absorbée S1 (300 €) divisée par valeur de la part ou action de la société absorbante S2 (1 000 €) est égale à : 300/1000 = 0,3. La parité d’échange est donc de 0,3. Ainsi, la société absorbée S1 ayant un capital composé de 1 000 parts sociales ou actions, la fusion entraînerait théoriquement la création de 1 000 x 0,3 = 300 parts ou actions nouvelles de la société absorbante S2.

A noter : les parts ou actions étant indivisibles, lorsque la parité d’échange aboutit à un nombre décimal de parts ou actions, il conviendrait normalement de trouver une parité d’échange avec un nombre entier de parts ou actions (méthode dite orthodoxe). Pour ce faire, la méthode suivant peut être appliquée. On divise le nombre de parts ou actions de la société absorbante par le nombre de parts ou actions de la société absorbée puis on lui applique le coefficient de la parité d’échange. Dans notre exemple 500/1000 = 0,5 multiplié par 0,3 soit 1,66. Pour arriver à un nombre le plus proche d’un entier, je multiplie 1,66 par 3 (= 4,95). On pourrait aussi le multiplier par 6 (= 9,96). On arrondi alors à l’entier (supérieur ici) soit 5 ou 10. La parité d’échange serait ainsi de 5 ou 10 parts ou actions de l’absorbée pour 6 ou 11 parts ou actions de l’absorbantes. Lors de l’application de ce rapport, si celui-ci ne permet pas d’absorber le nombre exact d’actions de la société absorbée, on prendra alors un multiple d’actions entier inférieur le plus proche. Dans notre exemple, les 1 000 parts ou actions sont divisibles par 5 ou 10. En revanche si le multiple avait été de 6 par exemple, on aurait alors rémunéré à hauteur de 996 parts ou actions, le reliquat étant alors acquis par la société absorbante auprès des associés ou actionnaires concernés (une autre solution serait de les annuler préalablement mais la procédure serait plus complexe - réduction de capital non motivée par des pertes ou procédure de R. 225-156 - sauf peut être à ce que cette réduction soit considérée comme une modalité de la fusion).

4° Calcul de la valeur de l’apport

Ce calcul va permettre de calculer la prime d’émission. On prend l’actif de la société absorbée que l’on déduit de son passif, ce qui donne l’actif net (schématiquement montant des capitaux propres) et donc la valeur de l’apport résultant de l’absorption de la société absorbée. Cette valorisation se fait généralement à la valeur comptable et non à la valeur réelle.

A noter : pourquoi prend-on quasi-systématiquement la valeur comptable ? Cette règle provient des méthodes d’évaluation en matière de consolidation selon le principe de « prééminence de la réalité sur l’apparence » (voir ancien article 300 du règlement CRC 99-02 sur les comptes consolidés des sociétés commerciales et des entreprises publiques) ou « substance over the form ». Normalement, la valeur d’entrée dans les comptes consolidés correspond au « prix que l’entité acquéreuse aurait accepté de payer si elle avait acquis les actif et passifs identifiés séparément (art. 232-1 du règlement ANC n° 2020-01 relatif aux comptes consolidés). Mais, lorsque les sociétés sont « combinées », comme en matière de fusion, il s’agit d’une « mise en commun d’intérêts économiques » et « il ne peut exister ni écart d’acquisition ni écart d’évaluation ». La « valeur d’entrée des actifs et passifs de chacune des entités combinées est égale à la valeur nette comptable » (art. 312-5 du règlement ANC n° 2020-01 relatif aux comptes consolidés).

A noter : ces règles s’appliquent aux sociétés parties à une fusion appliquant le plan comptable général (donc schématiquement les sociétés commerciales et, le cas échéant, les sociétés civiles soumises à l’impôt sur les sociétés).

On notera que la valeur de l’apport ne correspond pas nécessairement à la valorisation de la société (la valeur de l’apport est une valeur comptable, qui peut être réévaluée à la valeur réelle dans certaines hypothèses, mais elle doit se différencier de la valorisation de la société laquelle peut intégrer des valeurs non comptables comme le goodwill). Mais lorsque la société est valorisée sur le montant de ses capitaux propres, les deux valorisations se rejoignent alors.

A noter : la valeur de l’apport doit se faire à la date de l’opération. Ainsi, si l’opération a un effet rétroactif, la valeur de l’apport est apprécié à cette date. Si elle a un effet immédiat, elle est appréciée à la date de cet effet, et si elle est faite à une date différée, elle sera appréciée à cette date différée. Or, pour ces deux dernières dates, comme le traité de fusion est signé, par principe, avant la date de réalisation, les valeurs indiquées dans le traité sont nécessairement des estimations. C’est la raison pour laquelle, pour éviter une absence de libération du capital à la date de réalisation (valeur des apports inférieure au montant de l’augmentation de capital), le traité de fusion stipulera une clause résolutoire (valeur comptable des apports au moins égal au montant de l’augmentation de capital). Il est conseillé de prévoir qu’en cas d’écart entre la valeur provisoire et la valeur définitive (et si cet écart permet en tout état de cause la libération de l’augmentation de capital), cet écart viendra diminuer ou augmenter la prime de fusion.

A noter : le traité de fusion doit présenter la valeur des actifs en valeur brute et nette pour être retenue sur le plan fiscal.

Exemple : soit un actif de la société absorbée S1 de 1 000 0000 € et un passif de S1 de 750 000 €, alors l’actif net (valeur de l’apport) de S1 est de 250 000 € (alors que la valorisation de S1 est de 300 000 €, cette différence se retrouvant dans la prime de fusion, voir ci-dessous).

5° Echange des parts ou actions : « augmentation de capital » ou attribution de parts ou actions (utilisation de la parité d’échange)

En rémunération de l’apport, les associés de la société absorbée vont recevoir des parts ou actions de la société absorbante. Il va donc y avoir généralement une augmentation de capital (« généralement » car les parts ou actions peuvent aussi être des parts ou actions existantes de la société absorbante autodétenues par la société absorbante) . Grâce à la parité d’échange on connaît le nombre « théorique » de parts ou d’actions nouvelles à créer, donc le montant théorique de l’augmentation de capital social.

Exemple : soit la société absorbée S1 qui a 1 000 parts ou actions sociales en circulation et une parité d’échange de 0,3, alors l’échange abouti à créer 1 000 x 0,3=300 parts sociales ou actions nouvelles de la société absorbante S2. La valeur nominale de la part ou action de S2 est de 25 000 €/500 = 50 €. L’augmentation de capital sera donc de 300 x 50 = 15 000 €. 

A noter : si la valeur de l’apport est supérieure à la valeur des droits sociaux reçus, le régime fiscal dit de « faveur » ne saurait être admis (BOI-IS-FUS630-20, §. 20).

A noter : si la valeur de l’apport est inférieure à l’augmentation de capital (en d’autres termes, la valeur de l’actif net serait inférieure à la valeur des parts ou actions au nominal émises), alors il faut au préalable assainir la situation en réduisant la valeur nominale des parts ou actions, par une réduction de capital.

6° Prime de fusion (utilisation de la valeur de l’apport)

La création de parts ou actions nouvelles se fait par voie d’augmentation de capital chez la société absorbante (libéré par les apports effectués). Or, comme souvent, la valeur réelle de la part ou de l’action étant supérieure à la valeur nominale, une différence se crée : c’est la prime de fusion.

Exemple : soit dans notre cas une valeur nominale de la part ou action de la société absorbante S2 de 50 € (voir ci-dessus), pour une valeur réelle de 1 000 € (voir ci-dessus). La prime de fusion par part ou action de S2 est donc de 1 000 € - 50 € = 950 €. L’augmentation de capital « théorique » étant de 300 parts ou actions nouvelles de S2, la prime de fusion « théorique » sera donc de 300 x 950 = 285 000 €. Toutefois, la valeur de l’apport n’étant que de 250 000 € (voir ci-dessus), la prime de fusion « théorique » ne sera que de 235 000 € soit la différence entre la valeur comptable de l’apport (250 000 €) et le montant total de l’augmentation de capital (15 000 €).

7° Neutralisation des parts ou actions de la société absorbée détenues par la société absorbante

Dans la plupart des cas, la société absorbante détient des parts ou actions de la société absorbée. Or, pour les sociétés commerciales, l’article L. 236-3 dispose que la société absorbante ne peut pas recevoir ses propres titres. La société absorbante peut alors stipuler, dans le traité de fusion, renoncer à l’augmentation de capital correspondante aux parts ou actions de la société absorbée qu’elle détient (c’est ce que l’on appelle la « fusion-renonciation »). La société absorbante peut également choisir de recevoir, comme ce serait le cas dans une liquidation, une fraction de l’actif net de la société absorbée correspondant à la quote-part que représentent ses parts ou actions dans la société absorbée (c’est ce que l’on appelle la « fusion-allotissement »).

Les parts ou actions de la société absorbée que la société absorbante détenait sont alors annulées dans ses comptes.  

Exemple : soit le capital de la société absorbée S1 de 1 000 € composé de 1 000 parts ou actions (voir ci-dessus). La société absorbante S2 détient 800 parts ou actions sur les 1 000 parts ou actions de S1.

Fusion-renonciation : au vu de la parité d’échange, la société absorbante S2 aurait dû recevoir 800 x 0,3 = 240 de ses propres parts ou actions. La valeur nominale de ses propres parts ou actions étant de 50 € (voir ci-dessus), l’augmentation de capital correspondante serait donc de 240 x 50 = 12 000 €. Comme elle renonce à cette augmentation de capital, celle-ci ne sera plus que de : [augmentation de capital théorique 15 000 € (voir ci-dessus) – renonciation à l’augmentation de capital 12 000 €] = 3 000 €. A noter : on aurait pu obtenir le même résultat en déduisant le nombre de parts ou actions nouvelles théoriques (300) – parts ou actions nouvelles non émises (240) soit 60 parts ou actions nouvelles multipliées par la valeur nominale de la part ou actions de la société absorbante (50 €) soit 60 x 50 = 3 000 €.

Fusion-allotissement : au vu de sa participation dans le capital de la société absorbée S1, la société absorbante S2 a droit à sa quote-part de participation dans l’actif net de la société absorbée soit 800/1 000 x valeur nette de l’apport (250 000 €) = 200 000 €.

Le reliquat, soit 250 000 € - 200 000 € = 50 000 €, servant alors aux opérations d’augmentation de capital. Au vu de la parité d’échange, le nombre de parts sociales ou d’actions nouvelles de la société absorbante S2 à émettre est égal (1 000 – 800) = 200 multiplié par 0,3 = 60. La valeur nominale d’une part ou action de la société absorbante S2 étant de 50 €, l’augmentation de capital sera donc de 60 x 50 = 3 000 €.

La renonciation de la société absorbante à ses propres parts ou actions va avoir un impact sur la prime de fusion. La valeur nette comptable de l’apport ne sera donc utilisée que partiellement.  

Exemple : dans notre exemple, ce ne sont plus 300 parts ou actions nouvelles de la société absorbante S2 qui sont émises mais 60. Normalement, la prime par part ou action nouvelle de la société absorbante S2 est de 950 €. Donc la prime de fusion devrait être de 60 x 950 = 57 000 €. Mais dans notre cas la valeur nette de l’apport (250 000 €) est inférieure à la valeur réelle (300 000 €) de la société absorbée. Il faut donc recalculer la prime de fusion. Soit une augmentation de capital théorique de 15 000 €, la prime de fusion théorique est donc de 250 000 – 15 000 € = 235 000 € pour 300 parts ou actions théoriques soit (235 000/300 = 783,33 €) pour chaque part ou actions nouvelle de la société absorbante S2. L’augmentation de capital réelle étant de 60 parts ou actions nouvelles, la prime de fusion réelle est donc de 60 x (235 000/300) = 47 000 €. L’augmentation de capital a donc absorbé 3 000 € + 47 000 € = 50 000 € de la valeur nette de l’apport. Il reste donc 250 000 € - 50 000 € = 200 000 € de valeur nette de l’apport à affecter.

Les actions autodétenues n’ayant pas été prises en compte, il n’y a pas lieu de les neutraliser (elles seront annulées à l’issue de la fusion). Que devient alors la quote-part de la valeur nette comptable non utilisée ? C’est le boni ou mali de fusion.

A noter : la société absorbée peut détenir des parts ou actions de la société absorbante (participation croisée ou fusion à l’envers : la fille absorbant la mère). A l’issue de la fusion, comme tout actif de la société absorbée, les parts ou actions vont être transférées à la société absorbante qui déteindra ses propres parts ou actions. Dans ce cas, si les sociétés par actions peuvent conserver temporairement une partie de leurs actions (L. 225-213), les parts ou actions doivent être cédées ou annulées par la société absorbante (voir également notre article sur la fusion à l’envers ou inversée).

Boni ou mali de fusion (différence entre valeur comptable des parts ou actions de la société absorbée et la quote-part de valeur comptable de l’apport que représente ces parts ou actions)

Que devient le reliquat de valeur nette comptable de l’apport non utilisé par les opérations d’augmentation de capital (c’est-à-dire la valeur nette comptable qui correspond à la participation de la société absorbante dans la société absorbée).

Ce reliquat sert dans les comptes de la société absorbante à annuler les titres de la société absorbée et à calculer alors un boni ou mali de fusion. Un boni de fusion est la différence positive et le mali de fusion est la différence négative, entre la valeur nette comptable résiduelle que reçoit la société absorbante au titre de sa participation dans la société absorbée et la valeur (nette) comptable de cette même participation dans les comptes de la société absorbante. Le calcul se fait à la date d’effet décidée par les parties pour la fusion (date immédiate, rétroactive, différée), il ne peut donc être indiqué dans le traité (car il peut y avoir des événements entre la signature et la date d’effet).

A noter : la mali de fusion peut être composé d’un mali « technique » (plus values-latentes des actifs de la société absorbée moins passifs non comptabilisés dans cette même société en l’absence d’obligation comptable) et d’un « vrai » mali (différence entre le mali de fusion et le mali technique).

Exemple : dans notre exemple, les parts ou actions de la société absorbée S1 sont valorisées dans les comptes de la société absorbante S2, 150 000 € (ils ont été acquis à une date où la valeur de la société absorbée était moindre que celle qui a été calculée pour les opérations de fusion).

En reprenant les calculs ci-dessus, on sait qu’il reste une valeur nette de l’apport de 200 000 € qui n’a pas été utilisée. Les parts ou actions de la société absorbée S1 dans les comptes de la société absorbante S2 seront donc annulées à hauteur de 150 000 € et le reliquat, soit valeur nette de l’apport résiduelle (200 000 €) – annulation des parts ou actions (150 000 €) = 50 000 € constituera un boni de fusion.

Inversement si la valeur des parts ou actions de la société absorbée S1 dans les comptes de la société absorbante S2 avait été supérieure (par exemple 230 000 €) à la valeur nette de l’apport résiduelle (200 000 €), l’annulation des parts aurait donné lieu à un mali de fusion égal à la valeur des parts ou actions dans les comptes (230 000 €) – valeur nette de l’apport résiduelle (200 000 €) = 30 000 €.

A noter : les actions autodétenues (à l’issue de la fusion) de la société absorbante n’ayant pas été, par définition, comptabilisées antérieurement dans les comptes de la société absorbante, il n’y a ni boni ni mali en cas d’annulation. Lorsque les parts ou actions sont annulées, si la valeur des parts ou actions annulées est supérieure à leur valeur nominale, la différence vient diminuer d’abord les réserves (y compris le poste prime de fusion) et, ensuite le cas échéant, le report à nouveau, dans le cas inverse, la différence constitue également une prime de fusion. La valeur nominale des titres vient quant à elle réduire le capital social et, en conséquence, les capitaux propres.

Nous tenons à la disposition des personnes intéressées, sur simple demande, un fichier Excel permettant d’obtenir les différents calculs : parité, prime d’émission théorique, augmentation de capital et prime d’émission, boni ou mali, détention finale.

 

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris

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