Synthèse des droits du sous-locataire d'un bail commercial vis-à-vis du bailleur et du locataire principal (C. com., L. 145-31)
Nous avions déjà écrit sur la sous-location commerciale. Nous proposons une synthèse des droits du sous-locataire selon que la sous-location est dite “régulière” (voir notre article précité) ou irrégulière.
Rappel
La sous-location commerciale fait intervenir trois parties : le bailleur, le locataire-principal et le sous-locataire. Selon la règle « on ne peut consentir/transférer plus de droit à autrui qu’on en a soi-même », le sous-locataire ne peut avoir, vis-à-vis du bailleur, plus de droit que le locataire principal. En revanche, entre le locataire principal et le sous-locataire les droits peuvent être différents aux risques et périls de ces deux parties.
A noter : la sous-location peut être tant commerciale que dérogatoire.
DROITS VIS-A-VIS DU BAILLEUR
Les sous-locations « régulières »
Pour qu’une sous-location soit régulière, deux conditions sont nécessaires : la sous-location doit être autorisée (le principe en matière de baux commerciaux étant l’interdiction) et le bailleur doit être appelé à concourir à l’acte (voir notre article).
Le sous-locataire ne dispose de droit vis-à-vis du bailleur que si le bailleur a autorisé la sous-location (soit par une clause du bail, soit par l’accord du bailleur) (L. 145-31). L’autorisation doit être en principe préalable et expresse (mais elle peut être postérieure : Cour de cassation, 8 avril 1992, n° 90-21.168 et 90-21.791).
Cette autorisation ne dispense pas le locataire d’appeler le bailleur a concourir à l’acte (Cour de cassation, 27 septembre 2006, n° 05-14.700) qui n’est pas d’ordre public (le bailleur peut y renoncer par avance). Si le bailleur ne répond pas et que les parties passent « outre » alors les parties peuvent prendre le risque que le contrat de sous-location viole les stipulations du bail principal (le risque est donc que le bailleur résilie le bail principal, entraînant l’anéantissement de la sous-location).
A noter : l’appel à concourir à l’acte peut servir de demande d’autorisation.
Le sous-locataire dispose du droit au renouvellement vis-à-vis du bailleur si la sous-location est régulière (donc opposable au bailleur) et si les locaux ne sont pas indivisibles (Cour de cassation, 13 avril 1964, Bulletin, arrêt n° 183 ; Cour de cassation, 11 juin 1997, n° 95-19.364 ; Cour de cassation, 21 juillet 1999, n° 97-22.062).
A noter : attention, le droit au renouvellement s’exerce contre le locataire principal si ce dernier est en droit de le consentir du fait des droits qu’il tire lui-même du bail principal (par exemple renouvellement u bail principal) ou à l’encontre du bailleur dans le cas contraire (Cour de cassation, 6 décembre 1972, n° 71-13.240). En revanche, si le locataire principal a sous-loué la totalité, le droit au renouvellement s’exerce directement contre le bailleur, le locataire principal ayant perdu son droit au renouvellement du fait de cette sous-location intégrale.
A noter : en cas de résiliation du bail principal, le sous-locataire peut demander le renouvellement de son bail au propriétaire dans le délai de deux ans (Cour de cassation, 23 avril 1985, n° 83-17.317 ; Cour de cassation, 15 septembre 2010, n° 09-16.679).
A noter : en cas de cession de la sous-location, la cession doit être signifiée au bailleur pour lui être opposable (L. 145-31). L’autorisation générale de sous-louer ne permet pas à elle seule de considérer que la sous-location est opposable au bailleur à défaut d’agrément.
A noter : le sous-locataire qui se maintient dans les lieux alors que les locaux sont indivisibles et que le bail principal est résilié peut engager sa responsabilité vis-à-vis du locataire principal (Cour de cassation, 9 juillet 2020, n° 19-15.874).
L'indivisibilité conventionnelle peut résulter d'une clause du bail. Tel est le cas lorsque le propriétaire autorise, dans le bail, les sous-locations, mais stipule que le sous-locataire ne pourra exercer aucun droit direct ( Cass. 1re civ., 13 avr. 1964 : Bull. civ. I, n° 183 ).
S’il veut bénéficier de son indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement, le sous-locataire doit exercer ce droit à l’expiration du bail principal et faire une demande de renouvellement.
Les sous-locations « irrégulières »
Les sous-locations irrégulières sont inopposables au bailleur, elles ne confèrent aucun droit du sous-locataire vis-à-vis du bailleur qui est un occupant sans droit ni titre et peuvent alors constituer une cause de résiliation judiciaire du bail principal ou d’application de la clause résolutoire. Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail principal sans indemnité, ce qui entraîne la résiliation de la sous-location (Cour de cassation, 19 juin 1970, n° 68-13.854).
DROITS VIS-A-VIS DU LOCATAIRE PRINCIPAL
Que la sous-location soit régulière ou irrégulière vis-à-vis du bailleur, la sous-location entre le locataire principal et le sous-locataire est valable (ni le locataire principal ni le sous-locataire ne peuvent invoquer l’irrégularité de la sous-location vis-à-vis du bailleur pour se départir de leurs obligations). .
A noter : le sous-locataire pourrait, si les circonstances l’admettent, demander la résiliation de la sous-location pour vice du consentement (si par exemple le locataire principal a caché sa qualité de locataire principal et fait croire qu’il était le détenteur du droit réel : propriétaire, emphytéote, etc.).
Une sous-location régulière est un bail commercial soumis aux statuts des baux commerciaux. Le locataire principal a les droits et obligations d’un bailleur et le sous-locataire a ceux (propriété commerciale, c’est-à-dire droit au renouvellement, vis-à-vis du locataire principal) d’un preneur.
En revanche, la durée du contrat de sous-location dépend de celle du bail principal. Elle ne peut être supérieure à celle du bail principal, même si la durée de ce bail principal est inférieure à 9 ans (donc la durée de la sous-location peut dans ce cas être inférieure à 9 ans par dérogation aux stipulations d’ordre public de l’article L. 145-4) voire elle peut être inférieure à celle du bail principal (si cette durée est supérieure à 9 ans). Mais la durée de la sous-location ne peut être inférieure à 9 ans si le bail principal le permet. Le sous-locataire dispose du même droit que le locataire principal de donner congé au cours des périodes triennales.
A noter : la durée de la sous-location n’empêche pas le locataire principal de résilier le bail principal au cours d’une période triennale sous réserve des conséquences préjudiciables de cette résiliation sur le sous-locataire.
Le sous-locataire dispose du droit au renouvellement (vis-à-vis du locataire principal) si le locataire principal peut lui conférer, au titre du bail principal, ce droit (Cour de cassation, 7 décembre 1977, n° 76-12.386) qui peut être de 9 ans ou inférieur si la durée du bail principal restant à courir est inférieure (Cour de cassation 24 février 1988, n° 86-15.458).
A noter : le bailleur doit être appelé à concourir au renouvellement du bail commercial (L. 145-32, alinéa 1).
Si le bailleur met régulièrement un terme au bail principal, le sous-locataire ne dispose d’aucun droit au renouvellement (ni à indemnisation) tant vis-à-vis du bailleur que du locataire principal.
Avocat au barreau de Paris