L’aménagement dans les statuts de sociétés de la répartition des droits entre nus-propriétaires et usufruitiers.
A noter : cet article ne s’intéressera qu’aux sociétés civiles, SARL et aux sociétés par actions (autre que les sociétés en commandite par actions). Nous n’abordons donc pas les sociétés en participation, les sociétés en nom collectives, les sociétés en commandite simple ou par actions, les sociétés européennes.
AMENAGEMENTS
Le régime des droits entre les nus-propriétaires et les usufruitiers de parts ou titres financiers dans les sociétés est en train de se consolider. On sait désormais que l’usufruitier n’est pas associé de la société ce qui peut avoir des conséquences importantes lorsque la loi réserve certaines décisions aux « associés » seulement (voir notre article). C’est la raison pour laquelle, il peut être opportun de prévoir expressément pour les usufruitiers des droits qui sont normalement réservés aux associés.
Décisions collectives
Les nus-propriétaires et usufruitiers peuvent participer aux décisions collectives (toute clause contraire des statuts n’est pas valable). Il conviendra donc de prévoir les modalités d’informations des personnes qui ne peuvent pas prendre part au vote (notamment si la décision est prise par consultation écrite ou acte unanime).
Pour les décisions qui sont ou seront de la compétence des usufruitiers, prévoir dans les statuts que ces décisions puissent se prendre par acte unanime lorsque la loi l’y autorise (à défaut, la loi ou les statuts ne visant généralement que les associés et les usufruitiers n’étant pas associés, les stipulations statutaires ne seraient donc pas applicables). A noter : reste la question de savoir si une telle faculté, non prévue par la loi, reste admissible.
Informations
Pour les sociétés civiles, SARL ou SAS, on peut reprendre le principe (ou inversement l’exclure ou le détailler) prévu pour les sociétés anonyme à l’article L. 225-118 : « Le droit à communication des documents, prévu aux articles L. 225-115, L. 225-116 et L. 225-117 [communication de documents et informations tels que comptes sociaux, rapports de gestion, etc.], appartient également à chacun des copropriétaires d'actions indivises, au nu-propriétaire et à l'usufruitier d'actions. »
On peut aussi prévoir pour les usufruitiers le droit, comme pour les associés de sociétés de capitaux, s’ils disposent d’un certain pourcentage de droits de vote, de poser par écrit au dirigeant des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant “au regard de l’intérêt du groupe”), des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce (voir article L. 225-231 du code de commerce) ou poser 2 fois par an des questions écrites au dirigeant “sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation” (voir article L. 225-232 du code de commerce), ou demander en justice la récusation (voir article L. 823-6 du code de commerce) ou la révocation (voir article L. 823-7 du code de commerce) d’un commissaire aux comptes. Dans le premier cas, si la réponse n’est pas satisfaisante ou à défaut de réponse, l’usufruitier peut demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion (voir L. 225-231 précité).
Droit de consulter les associés
On peut reprendre la jurisprudence en la matière et prévoir que l’usufruitier doit pouvoir provoquer une décision collective des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance (Cour de cassation, 1 décembre 2021, n° 20-15.164 ; 16 février 2022, n° 20-15.164). Ce droit peut être étendu à toute décision en supprimant la condition que la décision est « susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance » (tout en le limitant par exemple à deux fois par an sauf cas d’urgence, pour éviter les abus).
Droits de vote
Pour les sociétés civiles, SARL ou SAS, on peut reprendre le principe (ou inversement l’exclure ou le détailler) prévu pour les sociétés anonymes à l’article L. 225-110 ; « Le droit de vote attaché à l'action appartient à l'usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires. ». Rappelons que la distinction « assemblées générales ordinaires » et « assemblées générales extraordinaires » n’est prévue par la loi que pour les SA (il convient donc de le prévoir expressément dans les statuts pour les autres formes de sociétés si une telle distinction est souhaitée).
Les statuts peuvent même prévoir que le droit de vote appartient uniquement à l’usufruitier pour toutes les décisions (1844).
Droit préférentiel de souscription
Le droit préférentiel de souscription appartient normalement au nu-propriétaire. Il est possible de prévoir que ce droit appartienne à l’usufruitier.
Apports ou échange des droits sociaux
En cas d’apport ou d’échange des droits sociaux, les droits des nus-propriétaires et des usufruitiers seront reportés sur les nouveaux droits sociaux reçus.
CLAUSES
Si les droits sociaux font l’objet d’un démembrement de propriété (usufruit et nue-propriété), le droit de vote est exercé par l’usufruitier pour toutes les décisions collectives, les nus-propriétaires ayant le droit de participer aux décisions collectives (ou d’en être informé, selon les conditions de l’article 00 des statuts, s si celles-ci sont prises par acte unanime). L'exercice du droit de vote par les usufruitiers ne pourra augmenter les engagements des nus-propriétaires.
Les décisions collectives prises par les usufruitiers pourront résulter de leur consentement unanime exprimé dans un acte.
Un ou plusieurs usufruitiers peuvent provoquer une décision collective sur une ou plusieurs questions de leur choix.
Le droit préférentiel de souscription appartient aux usufruitiers. Si les usufruitiers vendent les droits de souscription, les sommes provenant de la cession ou les biens acquis par eux au moyen de ces sommes sont soumis à l'usufruit. Les parts sociales nouvelles appartiennent aux nus-propriétaires pour la nue-propriété et à l’usufruitier pour l’usufruit à concurrence de la valeur des droits de souscription. Le surplus des parts sociales nouvelles appartient en pleine propriété à celui qui a versé les fonds.
Les usufruitiers disposent des mêmes droits d’information et de communication, prévus par la loi ou les statuts, que les associés de la Société. Les usufruitiers disposant, ensemble ou séparément, d’au moins cinq pour cent (5,00 %) des droits de vote peuvent (a) poser par écrit au dirigeant des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ; (b) poser 2 fois par an des questions écrites au dirigeant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ; et/ou (c) demander en justice la récusation ou la révocation d’un commissaire aux comptes. Dans le premier cas visé au paragraphe (a) précédent, si la réponse n’est pas satisfaisante ou à défaut de réponse, l’usufruitier peut demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Avocat au barreau de Paris