Sociétés par actions (SA, SAS, etc.) : faut-il une liste des souscripteurs en cas uniquement d'apport en nature ?
Certains greffes (comme le greffe du tribunal de commerce de Versailles par exemple, mais non le greffe du tribunal de commerce de Lille-Métropole par exemple) exige la liste des souscripteurs pour la constitution d’une société par actions uniquement par apport en nature . Cette pratique est-elle légale ?
Réponse : non.
Explications : la liste des souscripteurs est visée à l’article R. 123-103 lors du dépôt de la demande d’immatriculation : “S'il s'agit d'une société par actions, un exemplaire du certificat du dépositaire des fonds auquel est jointe la liste des souscripteurs mentionnant le nombre d'actions souscrites et les sommes versées par chacun d'eux”. Le texte est pourtant claire, la liste est jointe au certificat du dépositaire et sert à mentionner les “sommes versées”. Rien de tel dans les sociétés uniquement constituées d’apport en nature, aucun certificat du dépositaire ni somme versée.
Idem pour l’article L. 225-5 : “Les fonds provenant des souscriptions en numéraire et la liste des souscripteurs avec l'indication des sommes versées par chacun d'eux font l'objet d'un dépôt dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, celui-ci fixe également les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à communication de cette liste.”. L’article R. 22-10-6 du code de commerce dispose que : ”Les fonds provenant des souscriptions en numéraire et la liste comportant les nom, prénom usuel et domicile des souscripteurs, avec l'indication des sommes versées par chacun d'eux, sont déposés […]”. Là encore, il s’agit de souscription en numéraire et non en nature.
Idem pour l’article L. 225-144 qui est obligé d’écarter expressément la liste des souscripteurs pour “les actions souscrites en numéraire” dans le cadre d’une augmentation de capital. Rien de tel en cas d’apport en nature.
En effet, le code de commerce distingue les actions en numéraire et les actions d’apport (L. 225-3, L. 212-1). Les actions en numéraire peuvent être libérées partiellement (L. 225-3) alors que les actions d’apport “sont intégralement libérées dès leur émission” (L. 225-3). Nul besoin donc pour ces dernières actions de vérifier, via la liste des souscripteurs, “les sommes versées par chacun d'eux” pour savoir si les dispositions de la libération partielle ont été respectées.
D’autre part, contrairement aux apports en numéraire, les apports en nature requièrent l’inscription dans les statuts de “l’identité des apporteurs en nature, l'évaluation de l'apport effectué par chacun de ceux-ci et le nombre d'actions remises en contrepartie de l'apport” (R. 224-2, 4°). Pour les apports en nature, les statuts font ainsi sorte de liste des souscripteurs puisqu’on y retrouve toutes les informations.
Il est dommage que la faible connaissance juridique de certains greffes doivent amener les entreprises françaises, qui sont déjà assujetties à des charges et formalités importantes, à établir des documents non seulement non prévus par la loi mais absolument inutiles (ainsi le montant des fonds versés indiqués sera égal à zéro pour un apport en nature, ce qui est très incongru).
Avocat au barreau de Paris