La condition suspensive d'obtention d'un prêt
De très nombreux actes stipulent comme condition de réalisation de l’opération (généralement une vente) l’obtention d’un financement par l’une des parties (généralement l’acheteur). Nous revenons sur le régime juridique de cette condition.
La loi impose parfois cette condition suspensive en la faisant présumer (L 313-41).
Risques
Comme toute condition suspensive, le risque d’une telle condition est qu’elle est réputée accomplie lorsque celui qui s’est engagé, par exemple le futur acheteur-emprunteur (nous utiliserons par la suite le terme « emprunteur »), en a empêché l’accomplissement (1304-3).
Dans ce cas, celui qui s’est engagé, doit alors exécuter son engagement (acquisition par exemple, versement du dédit, perte de l’acompte ou du dépôt de garantie) même s’il n’a pas obtenu le prêt.
A noter : si la convention stipule une indemnité de dédit, alors la défaillance de la condition par la faute de l’emprunteur entraîne l’obligation pour l’emprunteur de verser le dédit (Cour de cassation, 9 décembre 1981, n° 80-13.356 ; dans un autre registre mais avec le même résultat : Cour de cassation, 26 avril 1976, n° 74-12.580). Il en est de même en cas d’acompte (Cour de cassation, 4 juin 1996, n° 94-12.418) ou de dépôt de garantie (Cour de cassation, 27 février 2013, n° 12-13.796).
Respecter les conditions du prêt stipulées dans la convention
La demande de prêt doit être conforme aux caractéristiques du prêt définies dans la convention qui stipule la condition suspensive (Cour de cassation, 13 novembre 1997, n° 95-18.276 ; 20 novembre 2013, n° 12.29-021 ; 24 septembre 2014, n° 13-18.698 ; 25 janvier 2018, n° 16-26.385).
A noter : les magistrats doivent préciser en quoi la demande de prêt n'était pas conforme aux caractéristiques définies dans la convention (Cour de cassation, 9 avril 2014, n° 13-10.474 : 25 janvier 2018, n° 16-26.385).
Généralement, l’emprunteur qui n’a pas obtenu son prêt, a demandé un montant supérieur à celui qui était stipulé dans la convention (Cour de cassation, 24 juin 1998, n° 96-19.121 ; 19 mai 1999, n° 97-14.529 ; 3 décembre 2002, n° 01-13.103 ; 16 janvier 2013, n° 11-26.557 ; 21 novembre 2019, n° 18-18.995 ; 13 février 2020, n° 19-12.240). Cela peut aussi être des démarches incomplètes auprès de l’organisme prêteur (Cour de Cassation, 26 avril 1976, n° 74-12.580) ou une demande d’une simulation à un taux légèrement inférieur au taux maximum prévu dans la convention (Cour de cassation, 20 novembre 2013, n° 12.29-021 ; 17 octobre 2019, n° 17-21.859) ou une durée inférieure (Cour de cassation, 17 octobre 2019, n° 17-21.859).
Conseil pratique : il est donc important, pour un contrôle objectif a posteriori, de bien décrire dans la convention les caractéristiques souhaitées du prêt et notamment son montant en principal, la durée, le taux d’intérêt (type : fixe ou mobile, taux, TEG), les frais (de dossier ou d’étude par exemple), les garanties. Il convient également de déterminer la nature du prêt et du prêteur (Cour de cassation, 9 novembre 1988, n° 87-10.586). On pourra également s’inspirer des dispositions de l’article L. 313-41 pour déterminer le délai nécessaire pour l’obtention d’un prêt auquel il convient d’ajouter le délai de déblocage des fonds si ce déblocage est une des caractéristiques de la condition suspensive (ce que nous préconisons). Donc un délai de deux mois semble raisonnable voire 3 mois pour certains établissements.
Si un montant maximum du prêt est stipulé dans la convention, l’emprunteur n’est pas fautif s’il n’a pas accepté un prêt d’un montant inférieur (Cour de cassation, 14 décembre 2022, n° 21-24.539). En revanche, un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles et la condition est alors réputée accomplie (Cour de cassation, Cour 14 janvier 2021, n° 20-11.224).
Conseil pratique : pour rendre plus stricte les conditions (à l’avantage de l’emprunteur), il est recommandé de prévoir des minima (montant, durée) et des maxima (taux, frais). Il est également important de savoir ce que finance le prêt lorsqu’il est inférieur au prix ou qu’il existe différents actifs achetés.
Conseil pratique : il faut donc refuser tout prêt d’un montant inférieur au montant principal avant qu’une offre ferme et sans réserve soit formulée par un établissement de crédit (voir également ci-dessous la jurisprudence sur le refus d’un prêt conforme).
S’il est établi que l’emprunteur qui a demandé un prêt selon des conditions différentes de celles de la convention ne l’aurait pas obtenu même si la demande avait été conforme aux stipulations contractuelles, alors l’emprunteur n’a pas commis de faute et la condition n’est pas réputée accomplie mais défaillie (Cour de cassation, 12 septembre 2007, n° 06-15.640 ; 1er avril 2020, n° 99-25.180 ; 14 janvier 2021, n° 19-24.290 ; voir auparavant Cour de Cassation, 25 avril 1978, n° 76-13.933).
Respecter les délais
Si la convention prévoit un délai pour déposer la demande de prêt, le délai doit être respecté, à défaut, la condition est réputée accomplie. Le délai est donc de rigueur (Cour de cassation, 13 janvier 1999, n° 97-14.349).
Exemple : “les acquéreurs s'obligent à déposer leur demande de prêt dans les 10 jours et à en justifier au vendeur dans les 15 jours”.
A noter : lorsque le droit de la consommation s’applique (crédit immobilier pour certaines acquisitions immobilières), la convention ne peut accroître les exigences légales comme un délai inférieur au délai légal de la condition suspensive pour déposer la demande de crédit (Cour de cassation, 6 juillet 2005, n° 04-13.381) ou la signification au vendeur de la non-obtention du prêt (Cour de cassation, 9 mai1996, n° 94-12.133). De même, le délai étant édicté dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur, le vendeur ou l’agent ne peuvent s’en prévaloir pour acter de la défaillance de la condition (Cour de cassation, 8 juillet 2014, n° 13-17.386). Voir toutefois pour des conditions particulières de preuve écrite du refus, de présentation des offres, de durée (Cour de cassation, 7 janvier 1997 n° 94-20.248 ; 21 juillet 1998 n° 97-11.787 ; 13 janvier. 1999, n° 97-14.349).
A noter : c’est au cocontractant de l’emprunteur, qui démontre avoir présenté au moins une offre de prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans la convention, de rapporter la preuve que ce dernier a empêché l'accomplissement de la condition dans le délai (Cour de cassation, 26 mai 2010, n° 09-15.317). Pour la sanction de la passivité et de la négligence de l’emprunteur dans la demande (Cour de cassation, 19 juin 1990, n° 88-16.196 ; 16 février 2022, n° 20-23.237).
Obtention du prêt
La condition suspensive d'obtention d'un prêt est réputée accomplie dès la délivrance d'une offre ferme et sans réserve caractérisant l'obtention d'un prêt conforme aux stipulations contractuelles, même si l’emprunteur dispose d’un délai de réflexion et peut renoncer au prêt (Cour de cassation, 9 décembre 1992, n° 91-12.498 : 27 janvier 2009, n° 06-15.964 ). Une offre “sous réserve de l'acceptation à l'assurance des emprunteurs” (Cour de cassation, 23 juin 2010 n° 09-15.963), ou “sous réserve de prise de garanties et des assurances” (Cour de cassation, 14 janvier 2010, n° 08-21.520) caractérise une offre de crédit au sens des dispositions du code de la consommation sur le prêt immobilier. Mais encore faut-il que l’offre ait été reçue avant l’expiration du délai prévu pour la réalisation de la condition suspensive (Cour de cassation, 11 mai 2011, n° 10-14.536).
Un accord de principe n’est pas une offre ferme (Cour de cassation, 7 novembre 2007, n° 06-17.413 ; 16 octobre 2013, n° 12-24.509 ; 9 novembre 2023, n° 22-13.900).
En revanche, la condition défaille si l’établissement retire son offre (Cour de cassation, 20 janvier 1993, n° 90-14.214) sous réserve que ce retrait intervienne au plus tard à la date ultime prévue pour la réalisation de la vente (Cour de Cassation, 17 novembre 1998, n° 96-18.884).
Conseil de rédaction : plutôt que de prévoir une offre ferme, prévoir que la condition est accomplie lorsque les fonds sont débloqués et versés par l’établissement de crédit.
L’emprunteur qui refuse le prêt qui est conforme aux prescriptions contractuelles commet une faute et la condition est réputée accomplie (Cour de cassation, 31 janvier 1989, n° 86-17.577 : refus “d’emblée et sans raison valable”; 2 juin 1993, n° 91-10.578).
Si le prêt n’a pu être obtenu à cause d’une personne extérieure à la convention (comme une caution), la condition n’est pas accomplie (Cour de cassation, 23 novembre 1983, n° 82-14.827) sauf fraude évidemment.
Se constituer la preuve
Il appartient à l'emprunteur de démontrer qu'il a bien sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la convention (Cour de cassation, 13 novembre 1997, n° 95-18.276 ; 30 janvier 2008, n° 06-21.117 ; 20 novembre 2013, n° 12.29-021 ; 22 juin 2017, n° 16-16.672). S’il ne peut le démontrer, la condition est réputée accomplie (Cour de cassation, 4 mars 2014, n° 13-11.075).
En l'absence de stipulations contractuelles contraires, l’emprunteur effectue les diligences requises et n'empêche pas l'accomplissement de la condition, lorsqu'il présente au moins une demande d'emprunt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse et restée infructueuse (Cour de cassation, 8 décembre 1999, n° 98-10.766). Encore faut-il que cette unique demande ne soit pas tardive et donc illusoire au vu du délai contractuel stipulé (Cour de cassation, 16 février 2022, n° 20-23.237).
Renonciation implicite à la défaillance
L’emprunteur qui ne s’assure pas de la date d'obtention du prêt et qui n’élève pas la moindre objection quant au dépassement de la date convenue pour la régularisation de la vente, manifeste clairement qu'il n'entendait pas se prévaloir de la convention relativement aux dates envisagées pour mener l'opération à son terme (Cour de cassation, 21 mars 1995, n° 93-12.375).
Avocat au barreau de Paris