Actions de préférence et droit préférentiel de souscription : qu'entend-on par "droit limité" ? (C. com. L. 228-11, L. 225-135)

On sait qu’aux termes de l’article L. 225-132 du code de commerce, “Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital.” (voir aussi notre article). Mais, aux termes de l’article L. 228-11 du code de commerce, “Par dérogation aux articles L. 225-132 et […], les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts.”.

Qu’entend-on par “droit limité” ?

Il faut revenir à l’exégèse du texte pour comprendre le sens de cette exclusion. Cet alinéa a été introduit au Sénat lors du débat en 2008 sur le projet de loi de modernisation de l'économie, plus particulièrement aux termes d’un amendement n° 983 rectifié. A l’origine, l’exclusion ne concernait que les actions de préférence à droit limité sans droit de vote, puis a été étendu à toutes les actions de préférence à droit imité lors de la discussion en 2018 sur le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (article 28 du projet de loi).

Que recherchaient les sénateurs puis le Gouvernement lors de son extension ?

Les actions de préférence étant soumises à toutes les dispositions des actions ordinaires, elles disposent d’un droit préférentiel de souscription . Or les sénateurs indiquaient que l'existence de ce droit préférentiel de souscription dans le cadre d'émission d'actions de préférence de type « preferred shares » compliquerait fortement la vie sociale des émetteurs dont les titre sont cotés, les obligeant à convoquer une assemblée spéciale des porteurs d’actions de préférence pour supprimer leur droit préférentiel de souscription, assemblée spéciale qui n’atteindrait pas le quorum au vu de la nature des porteurs (investisseurs internationaux souvent absents). Par ailleurs, ce droit préférentiel de souscription ne serait pas justifié d’un point de vue économique (les actions de préférence visées ne comportant pas le plus souvent de droit de vote ni de droit aux réserves au-delà du montant de dividende annuel prédéterminé ou de la valeur nominal en cas de liquidation).

Quant au Gouvernement, la possibilité de retirer le droit préférentiel de souscription à toutes les actions de préférence comportant des droits financiers limités avait pour objet de “faciliter les augmentations de capital et renforcer l’attractivité du droit français à l’égard des investisseurs”.

On comprend donc que le “droit limité” signifie que les actions de préférence émises ne disposent pas de tous les droits des actions ordinaires s’agissant des dividendes, des réserves ou du partage du patrimoine. Un droit de priorité ou préciputaire (se servir en premier) est-il un droit limité ?

Il le serait, selon nous, si les porteurs n’avaient droit qu’à ces droits et abandonneraient leurs droits sur le surplus (droits plafonnés ou réduits par rapport aux actions ordinaires). Par exemple actions de préférence donnant droit à un dividende fixe plafonné (par exemple un pourcentage déterminé du nominal), sans participer au dividende supplémentaire versé aux actions ordinaires. Ou actions de préférence participant au boni de liquidation qu’à hauteur d’un montant maximum prédéfini, alors que les actions ordinaires participent sans plafond au partage du surplus.

En revanche, le droit ne serait pas limité si les actions de préférence donneraient un droit à se “servir” par priorité et qu’ensuite le partage serait fait à proportion de toutes les actions (ordinaires et de préférence confondues).

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris