La décisions de distribution des dividendes dans les sociétés commerciales : affectation du résultat, bénéfice distribuable (1844, L. 232-11, L. 232-12)

Un petit rappel des textes s’impose car la pratique en la matière a tendance à confondre les étapes.

TERMINOLOGIE

Les textes distinguent le résultat (L. 123-14, L. 232-21 à L. 232-23) qui peut être déficitaire (perte) ou bénéficiaire (bénéfice), le bénéfice de l’exercice (L. 232-10, L. 232-11), les bénéfices (1844, 1844-1, titre de la section 4 du chapitre II, du titre III, du livre II du code de commerce), le bénéfice distribuable (L. 232-11, alinéa 1), le bénéfice distribuable de l’exercice (L. 232-11, alinéa 2), les sommes distribuables (L. 232-12) et les dividendes (L. 232-12). Il existe également le bénéfice de l’acompte sur dividendes (L. 232-12) qui se calcule différemment.

OPERATIONS EN VUE D’UNE DISTRIBUTION

Approbation des comptes

Toute distribution de dividendes nécessite que les comptes soient préalablement approuvés (L. 232-12).

Affectation du résultat

Le résultat pouvant être déficitaire (perte) ou bénéficiaire (bénéfice), l’affectation du résultat n’est pas nécessairement l’affectation du bénéfice de l’exercice. Il appartient donc aux associés compétents de décider de l’affectation du résultat.

A noter : l’usufruitier n’aurait pas le pouvoir d’affecter les pertes puisque le texte vise “l’affectation des bénéfices”.

En revanche, lorsque l’exercice fait ressortir un résultat bénéficiaire, l’affectation du résultat correspond à l’affectation du bénéfice de l’exercice (et non du bénéfice distribuable).

A noter : les textes distinguent en effet le bénéfice de l’exercice du bénéfice distribuable. Un associé qui dispose donc du pouvoir d’affecter le bénéfice de l’exercice, ne dispose pas nécessairement du pouvoir de distribuer ce bénéfice sous forme de dividendes. Cela signifie donc, selon nous, que l’affectation n’est qu’une étape dans la distribution mais ne peut se confondre (l’affectation et la distribution doit donc faire l’objet de décisions distinctes lorsque tous les associés n’ont pas compétence pour le décider).

A noter : En effet, le texte sur la répartition des droits entre l’usufruitier et le nu-propriétaire met en lumière les étapes d’une affectation. En effet, l’usufruitier dispose, sauf stipulation statutaire contraire, du pouvoir d’affecter les bénéfices (1844). L’affectation n’est donc qu’une étape et elle ne peut se confondre avec la distribution de dividendes (bénéfice distribuable et autres sommes distribuables). En effet, comme nous allons le voir, , la distribution de dividendes nécessite d’autres opérations pour pouvoir être réalisée : constatation de l’existence de sommes distribuables, détermination de la part attribué aux associés sous forme de dividendes (L. 232-12).

A noter : Les experts-comptables et commissaires aux comptes estiment même que l’affectation pour être distribuable doit d’abord passer par une affectation uniquement en report à nouveau ou en réserve (X. Paper, Option Finances, décembre 2014, n° 1296), l’affectation en « bénéfice distribuable » voire directement en « dividendes », constituant un raccourci et une pratique malheureuse. Ainsi, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes indique que le résultat qui n’a pas pu faire l’objet d’une affectation ne peut pas être distribué, séparant bien les deux opérations (CNCC, Etude juridique 2013-84, Bull., n° 173, mars 2014, p. 80) lequel est alors inscrit dans un compte « Résultat en instance d’affectation » (CNCC, Bull., n° 151, septembre 2008) et non « en instance de distribution ».

A noter : La Cour de cassation rappelle ainsi, de manière constante, que « Les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n’ont pas d’existence juridique avant l’approbation des comptes de l’exercice par l’assemblée générale, la constatation par celle-ci de l’existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé (Cour de cassation, 19 septembre 2006, n° 03-19416, également 28 novembre 2006, n° 04-17486 ; 10 février 2009, n° 07-21806 ; 31 mars 2009, n° 08-14053 ; 14 décembre 2010, n° 09-72267, 18 décembre 2012, n° 11-27745 ; 4 février 2014, n° 12-23.894 ; 13 septembre 2017, n° 16-13.674).

Prélèvement de 5,00 % (cas échéant)

Les associés doivent décider un prélèvement sur le bénéfice de l’exercice d’au moins 5,00 % pour la réserve légale (ce prélèvement pouvant être inférieur si le montant prélevé porte la réserve légale à 10,00 % du capital, aucun prélèvement n’intervenant si la réserve légale a déjà atteint 10,00 % du capital). Le prélèvement sur le bénéfice concernant le bénéfice de l’exercice, il est donc du pouvoir des associés compétents pour décider de l’affectation du bénéfice de l’exercice.

Affectation au bénéfice distribuable de l’exercice

Les associés doivent, s’ils souhaitent décider une distribution de dividendes, doivent affecter le bénéfice de l’exercice au bénéfice distribuable de l’exercice.

Constatation de sommes distribuables

Calcul des sommes distribuables

Les associés doivent calculer le montant du bénéfice distribuable et, le cas échéant, des réserves distribuables, et de tout acompte sur dividendes pour calculer les sommes distribuables.

Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures et des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.

Si le bénéfice distribuable n’est pas suffisant, alors les dividendes peuvent être prélevés sur les réserves dont les associés ont la disposition.

L'écart de réévaluation n'est pas distribuable. Il peut être incorporé en tout ou partie au capital.

Vérifications préalables

Aucune distribution ne peut être faite aux actionnaires lorsque les capitaux propres sont ou deviendraient à la suite de celle-ci inférieurs au montant du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

Les associés doivent donc indiquer le montant de la distribution envisagée, le montant du capital augmenté des réserves légales et statutaires non distribuables dites “réserves indisponibles”, le montant des capitaux propres de la société après déduction de la distribution envisagée, et constater que ce montant n’est pas inférieur au calcul précédent (capital social et réserves indisponibles).

Distribution

Les associés déterminent la part attribué aux associés sous forme de dividendes (L. 232-12). Les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l'exercice, puis ensuite sur les autres réserves dont les associés ont la disposition (L. 232-11). Lorsque les dividendes sont prélevés sur des réserves distribuables, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués.

CONCLUSIONS

L’ordre est donc le suivant : approbation des comptes, prélèvement pour la réserve légale, affectation au bénéfice distribuable, constatation de sommes distribuables (en distinguant le bénéfice distribuable et les réserves distribuables et pour le bénéfice distribuable en distinguant le bénéfice de l’exercice des autres postes du bénéfice distribuable), indication du montant de la distribution envisagée, indication du montant du capital augmenté des réserves légales et statutaires non distribuables dites “réserves indisponibles”, indication du montant des capitaux propres de la société après déduction de la distribution envisagée, constatation que ce montant n’est pas inférieur au calcul précédent (capital social et réserves indisponibles), décision de distribution du bénéfice distribuable et, le cas échéant, des réserves distribuables avec indication expresse des postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués, détermination de la part attribué aux associés sous forme de dividendes.

Nous proposons la résolution ou la décision suivante :

L’associé unique/la collectivité des associés, l’assemblée générale constate que les comptes sociaux de l’exercice social clos le date se solde par un bénéfice de 000,00 € et décide d’affecter ce bénéfice comme suit :

  • un vingtième [ou moins, voire ci-dessus] au poste “Réserve légale”, conformément à l’article L. 232-10 du code de commerce, portant le solde de ce compte de 000,00 € à 000,00 € ;

  • le reliquat, en vue de toute distribution, au bénéfice distribuable de l’exercice.

En conséquence, l’associé unique/la collectivité des associés, l’assemblée générale, après avoir constaté que :

  • le poste report à nouveau s’élève à 000,00 €, [et après prise en compte de l’acompte sur dividendes de 000,00 € au titre de l’exercice social objet des présentes décisions décidé le date/OU l’absence d’acompte sur dividendes décidé au titre de l’exercice social objet des présentes décisions], le bénéfice distribuable de l’exercice s’élève à 000,00 € et que le montant des réserves distribuables s’élève à 000,00 € soit un montant de sommes distribuables de 000,00 € ;

  • il est envisagé une distribution de dividendes de 000,00 € ;

  • le montant du capital social augmenté des réserves non distribuables, soit respectivement 000,00 € pour le capital, 000,00 € pour la réserve légale, 000,00 € pour [réserve non distribuable], s’élève à 000,00 € ;

  • le montant des capitaux propres de la société au titre de l’exercice social objet des présentes décisions s’élève à 000,00 € et que, après la distribution envisagée, le montant des capitaux propres serait de 000,00 € soit supérieur au montant du capital augmenté des réserves non distribuables ;

décide de distribuer la somme de en lettres euros (000,00) € à titre de dividendes bruts soit environ 000,00 € par part sociale/action [éventuellement*: par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice, soit la somme de 000,00 € et, pour le reliquat, soit la somme de 000,00 € sur le poste [poste de réserves distribué].

*Si le montant de la distribution englobe le bénéfice distribuable et une partie des réserves distribuables

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris