SAS, décisions des associés : les conséquences de la présence d'actions de préférence, d'obligations ou de valeurs mobilières donnant accès au capital (L. 228-15, 228-55, 228-65, 228-101, etc.)

Question : quelles sont les conséquences sur le processus de décision des associés d’une société par actions simplifiée (SAS) de la présence de titulaires ou porteurs d’actions de préférence, d’obligations (obligataires) ou de valeurs mobilières donnant accès au capital (BSA, OC et autres) ?

Réponse : nous distinguerons en fonction des titres et des opérations envisagées.

Présence de titulaires d’actions de préférence

Décisions des associés

Comme tout actionnaire, les porteurs d’actions de préférence ont les mêmes droits que les porteurs d’actions ordinaires s’agissant des décisions des associés (information, convocation, participation).

A noter : en revanche, si les actions de préférence sont sans droit de vote, les porteurs ne peuvent voter.

Modification ou amortissement du capital

L. 228-16

En cas de modification ou d'amortissement du capital, les associés déterminent les incidences de ces opérations sur les droits des porteurs d'actions de préférence. Ces incidences peuvent également être constatées dans les statuts.

A noter : sauf stipulation contraire des statut, les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire.

Fusion ou scission

L. 236-9, L. 225-99, L. 228-15, L. 228-17, Directive (UE) 2017/1132, art. 93, 2.

Les assemblées spéciales des porteurs d’actions de préférence de la société absorbée ou scindée (mais non de la société absorbante sauf si la fusion avait un impact sur les droits des porteurs) doivent approuver la fusion ou la scission si l’opération modifie leurs droits (voir L. 225-99, plus particulièrement les “droits particuliers équivalents” pour reprendre L. 228-17).

A noter : une fusion pouvant entraîner une augmentation de capital, les associés devront alors déterminer les incidences de ces opérations sur les droits des porteurs d'actions de préférence (voir ci-dessus, L. 228-16).

Création de nouvelles actions de préférence par conversion

L. 228-15

Les titulaires d'actions devant être converties en actions de préférence de la catégorie à créer ne peuvent, à peine de nullité de la délibération, prendre part au vote sur la création de cette catégorie et les actions qu'ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, à moins que l'ensemble des actions ne fassent l'objet d'une conversion en actions de préférence.

Modifications des caractéristiques des actions de préférence

Contrairement aux autres porteurs ou titulaires (voir ci-dessous), il n’existe aucune disposition légale spécifique requérant une décision de l’assemblée spéciale sauf en cas de fusion ou scission (voir ci-dessus et notre article).

Presence d’obligataires

Décisions des associés

L. 228-55

Le représentant de la masse des obligataires a accès aux assemblées générales des associés, sans voix délibérative. Il doit donc être convoqué aux assemblées ou être informé des décisions des associés (ou de l’associé unique) lorsque celles-ci sont prises autrement qu’en assemblée (consultation écrite, par acte). Il a droit d'obtenir communication des documents mis à la disposition des actionnaires dans les mêmes conditions que ceux-ci.

Modification de l’objet social, de la forme de la société, émission d’obligations assorties d’une sûreté réelle

L. 228-65

Pour les décisions suivantes, il convient préalablement (ou alors sous condition suspensive) de consulter l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations concernées pour obtenir son approbation : modification de l’objet ou de la forme de la société, l’émission d’obligations (lorsqu’elle est de la compétence des associés) assorties d’une sûreté réelle ne bénéficiant pas aux obligataires composant la masse.

Il peut être passé outre à l’approbation de l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations pour ces décisions (sauf pour le transfert du siège), en offrant aux obligataires de rembourser les obligations (L. 228-72, R. 228-79).

Fusion (impliquant des sociétés commerciales et/ou des SARL)

L. 228-65

Pour les obligataires de la société absorbante, l’assemblée de la masse peut donner mandat au représentant de masse de former opposition à la fusion (L. 236-16) entraînant alors soit le remboursement des obligations ou la constitution de garanties ou à défaut l’inopposabilité de l’opération (L. 236-15).

Pour les obligataires de la société absorbée (ou combinée avec une autre société), l’opération de fusion est soumise à l’approbation de l’assemblée de la masse des porteurs, à moins que le remboursement des titres sur simple demande de leur part ne soit offert aux obligataires. L'offre de remboursement est soumise à publicité (R. 236-14) ainsi qu’à un délai (R. 236-14).

A noter : lorsqu'il y a lieu à remboursement sur simple demande, les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission sont débitrices solidaires des obligataires qui demandent le remboursement (L. 236-23).

Il peut être passé outre au défaut d’approbation, mais l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations peut alors donner mandat au représentant de la masse de former opposition à l’opération (L. 228-73) entraînant alors soit le remboursement des obligations ou la constitution de garanties ou à défaut l’inopposabilité de l’opération (L. 236-15).

A noter : s’il est passé outre au défaut d’approbation, les obligataires conservent leur qualité dans la société absorbante (L. 228-73, al. 2).

A noter : ce régime ne s’applique pas si l’obligation peut donner accès au capital, sauf stipulation contraire du contrat d’émission (voir L. 228-101 qui écarte expressément L. 228-65).

A noter : sur la question de l’inopposabilité de l’opération, voir notre article.

Scission (impliquant des sociétés commerciales et/ou des SARL)

L. 228-65, L. 236-23

Le projet de scission est soumis aux assemblées d'obligataires de la société scindée, à moins que le remboursement des titres sur simple demande de leur part ne soit offert aux obligataires. L'offre de remboursement est soumise à publicité (R. 236-14) ainsi qu’à un délai (R. 236-14).

A noter : lorsqu'il y a lieu à remboursement sur simple demande, les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission sont débitrices solidaires des obligataires qui demandent le remboursement (L. 236-23).

Il peut être passé outre au défaut d’approbation, mais l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations peut alors donner mandat au représentant de la masse de former opposition à l’opération (L. 228-73) entraînant alors soit le remboursement des obligations ou la constitution de garanties ou à défaut l’inopposabilité de l’opération (L. 236-15).

A noter : s’il est passé outre au défaut d’approbation, les obligataires conservent leur qualité dans les sociétés bénéficiaires des apports résultant de la scission (L. 228-73, al. 2) avec, le cas échéant, solidarité des sociétés bénéficiaires de la scission (L. 236-20).

A noter : sur la question de l’inopposabilité de l’opération, voir notre article.

Ce régime ne s’applique pas si l’obligation peut donner accès au capital sauf stipulation contraire du contrat d’émission (voir L. 228-101 qui écarte expressément L. 228-65).

Transfert du siège social (société européenne).

L. 228-65

Si la société est une société européenne et qu’elle transfert son siège à destination d’un autre Etat membre, il convient préalablement (ou alors sous condition suspensive) de consulter l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations concernées pour obtenir son approbation. Il peut être passé outre au défaut d’approbation, mais l’assemblée de la masse des porteurs d’obligations peut alors donner mandat au représentant de la masse de former opposition à l’opération (L. 228-73) entraînant alors soit le remboursement des obligations ou la constitution de garanties ou à défaut l’inopposabilité de l’opération (L. 236-15).

Modification du contrat obligataire

L. 228-65

La masse des porteurs doit se prononcer sur toute proposition tendant à la modification du contrat d’émission obligataire.

A noter : lorsque l’émission est de la compétence du seul président alors c’est au président de s’assurer de cette consultation.

Présence de titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital

Décisions des associés

L. 228-103, L. 228-105, L. 228-55

Le représentant de la masse des titulaires a accès aux assemblées générales des associés, sans voix délibérative. Il doit donc être convoqué aux assemblées ou être informé des décisions des associés (ou de l’associé unique) lorsque celles-ci sont prises autrement qu’en assemblée (consultation écrite, par acte).

Les titulaires de ces valeurs mobilières (et non pas seulement le représentant de la masse sauf si les valeurs mobilières sont composées d’obligations ou si les droits donnant accès au capital ont été détachés du titre d’origine) disposent auprès de la société émettrice des titres qu'ils ont vocation à recevoir, d'un droit de communication des documents sociaux transmis par la société aux actionnaires ou aux titulaires de certificats d'investissement ou mis à leur disposition (L. 228-105).

Modification de l’objet social et de la forme de la société, des règles de répartition des bénéfices, amortissement du capital, actions de préférence

L 228-98, L 228-103

Sauf si cette opération est autorisée par le contrat d’émission, les titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital doivent autoriser la modification de la forme ou de l’objet de la société, les règles de répartition des bénéfices, tout amortissement du capital ou toute création d'actions de préférence entraînant une telle modification ou un tel amortissement,

A noter : s’agissant de la répartition des bénéfices ou de l’amortissement (y compris par création d’actions de préférence), les associés doivent prendre les dispositions nécessaires au maintien des droits des titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital dans les conditions définies à l'article L. 228-99.

Emission de nouveaux titres de capital, distribution de réserves et des primes d'émission.

L. 228-99

La société (et non les associés) doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des titulaires des valeurs mobilières donnant accès au capital si elle décide de procéder à l'émission, sous quelque forme que ce soit, de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, de distribuer des réserves, en espèces ou en nature, et des primes d'émission.

A noter : certaines mesures sont détaillées à l’article L. 228-99 du code de commerce lequel précise que le contrat peut sélectionner certaines d’entre elles ou prévoir des mesures de protection supplémentaires.

Fusion ou scission

L. 228-101

Sauf stipulation contraire du contrat d’émission pour les titulaires dont le titre primaire est une obligation (OCA, OBSA, etc.), les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital n’ont pas a statuer sur l’approbation préalable de l’opération de fusion ou de scission (L. 228-101 écartant expressément L. 228-65).

A noter : si les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital dont le titre primaire est une obligation sont ceux de la société absorbante, alors aucune approbation n’est nécessaire puisque cette approbation n’est prévue que pour les obligataires de la société absorbée, combinée ou scindée (voir ci-dessus), sauf stipulation contraire du contrat (puisque l’article L. 228-101 ne fait malheureusement aucune distinction, à moins que le seul renvoi à l’article L. 228-65 implique cette distinction ?).

A noter : les titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital de la société absorbée ou scindée exercent leurs droits dans la ou les sociétés bénéficiaires des apports.

A noter : L'approbation du projet de fusion ou de scission par les actionnaires de la ou des sociétés bénéficiaires des apports (société absorbante ou combinée) ou de la ou des sociétés nouvelles emporte renonciation par les actionnaires et, le cas échéant, par les titulaires de certificats d'investissement de ces sociétés, au droit préférentiel de souscription mentionné à l'article L. 228-35 ou, au deuxième alinéa de l'article L. 228-92, au profit des titulaires de valeurs mobilières donnant accès de manière différée au capital.

Modification des caractéristiques des valeurs mobilières donnant accès au capital

L. 228-103

La masse des titulaires doit autoriser toutes modifications du contrat d'émission et statuer sur toute décision touchant aux conditions de souscription ou d'attribution de titres de capital déterminées au moment de l'émission.

Matthieu Vincent

Avocat au barreau de Paris